Chuck RAGAN, ou l'exemple-type de l'artiste folk qui vit par et pour sa musique. Quelques amis autour de lui, un public à sa cause, et voici que l'artiste s'embarque tête baissée dans une tournée de ce que l'Amérique compte en bars roots, là ou, diront certains, bat le coeur du pays. Chuck aime tellement ces endroits qu'il a déjà émaillé sa discographie de trois albums live, soit presque autant que d'albums studio. Des enregistrements en public qui, souvent à cause d'une captation du son plutôt approximative, sont principalement destinés aux amateurs convaincus du folk du chanteur.

Ce nouvel album s'inscrit lui aussi dans cette lignée. Si le son est nettement meilleur que sur les deux précédentes sorties live, ce n'est pas encore ça, et si le chant rugueux de Chuck se voit fort bien restitué, ce n'est pas le cas de la section rythmique basse / batterie qui souffre d'un certain "étouffement" préjudiciable. Rajoutez à cela la présence de blancs entre les morceaux (comment peut-on ainsi couper des morceaux censés faire partie d'un même tout, d'une prestation ?), et il faut ainsi reconnaître que ce "Winter Haul Live" ne part pas gagnant.

Et c'est là que la magie du concert fait le reste. L'interprétation, l'humanité, l'émotion qui suinte de ces titres folks à la fois bruts et mélodiques, de la voix habitée du chanteur. La setlist, naturellement axée autour du dernier album en date du bonhomme, Till Midnight, est un mélange parfait entre titres énergiques et ballades folk d'une grande beauté. "Something may catch fire", l'enlevé "Revved", ou encore "Bedroll Lullaby" et son harmonica ostensible, façon Bruce Springsteen, sont ainsi de splendides cartes de visites qui mettent en valeur la dernière réalisation studio du chanteur. Plus récent encore, le titre "The flame in the flood", composé pour illustrer un jeu vidéo du même nom, est un titre lancinant, agrémenté de belles lignes de pedal-steel et d'un refrain flamboyant, qui en font un des morceaux les plus inspirés du bonhomme.

On se plonge ainsi dans les ambiances variées, forcément rustiques, qui font de cette prestation un délice pour les oreilles. De ses sorties plus anciennes, Chuck extrait avec conviction des "Rotterdam", "Symmetry" ou "Right As Rain", qui n'avaient pas forcément été interprétés sur ses précédentes tournées. On retient ainsi un live à la fois complet et satisfaisant de par son aspect brut de décoffrage, qui permet d'entendre le vrai Chuck, celui qui vibre et fait vibrer les murs lorsqu'il éructe ses paroles.