Pendant quasiment une décennie, la machine RIHANNA n'a cessé de tourner à pleine régime. Un album tous les ans, des provocations par dizaine et bien sûr, des tubes, souvent faciles, mais imparables. Jusqu’à 2012, où elle décide soudain de faire une pause dans sa carrière. Un break qui s’étalera sur pas moins de trois ans, dont une année d’un insupportable teasing afin de promouvoir le dernier né, son huitième opus « Anti ». En pseudo rebellion, Riri nous promet un opus différent, anti-commercial avec à la clé, des chansons intemporelles qu’elle pourrait chanter encore dans vingt ans (si elle est toujours là, gloups). Sur le papier, on était en droit d’avoir de sérieux doutes sur le contenu du disque, et pourtant le résultat final est plutôt intéressant et, il est vrai, plus ambitieux que tous ses anciens projets réunis.

Après avoir méchamment fait de l'oeil à la musique urbaine sur ses précédents albums, cette fois RIHANNA fonce tout droit vers le hip-hop avec ce disque. Et ce, dès la piste d’ouverture « Consideration » qui est une plutôt bonne mise en bouche. Même si la chanson aurait mérité d’être un poil plus travaillée, on sent le potentiel, et la voix de SZA apporte un plus non négligeable. La piste suivante fait plus office d’interlude qu’autre chose. Dommage, ça commençait plutôt pas mal, avant que la chanson ne soit complètement coupée en plein milieu. C’est plutôt moyen comme idée, mais ça correspond bien à l’image borderline de Rihanna, et elle a nous a déjà fait le coup par le passé. Rien de bien étonnant jusque là. Troisième piste, et là, il se passe vraiment quelque chose. « Kiss it better » est le tube de l’album, clairement. C’est beaucoup plus pop, très mélodieux et un peu old-school. Les guitares électriques rajoutant vraiment quelque chose à la mélodie, déjà bonne à la base. RIHANNA offre un tube pouvant plaire au plus grande monde, tout en étant intéressante musicalement. Une première dans le genre.

En premier single, Rihanna a choisi un featuring avec son grand pote DRAKE. Commercialement, c’est évident de miser sur le rappeur le plus hype du moment. Dommage que la chanson soit un gros ratage en règle. Le refrain est plus énervant qu’entêtant et musicalement, c’est du déjà-entendu. Pas vraiment anti pour le coup. « Desperado » n’est pas plus emballante, mais là au moins c’est différent. L’ambiance est plus dark, mais le titre en lui-même n'est pas top. « Woo », titre produit par Travis Scott et The WEEKND, est par contre beaucoup plus convaincant. Elle semble évoluer vers la tendance actuelle, celle du r’n’b sombre et lancinant, choix qui se confirme avec le titre suivant. « Needed me », c’est la bombe moite de l’album. La voix sensuelle de RIHANNA se prête à merveille à ce style de chansons. Même réussite avec « Yeah, I said it », c’est doux, posé, sexuel. On sent énormément l’influence musicale de la nouvelle génération r’n’b, mais tant pis, c’est du très bon.

La qualité redescend très nettement avec « Same ol’mistakes », une reprise carrément copiée-collée. RIHANNA n’apportant rien de plus à la chanson d’origine. Dommage, la chanson est plutôt bonne, quoiqu’un peu plate et longue. Première ballade basique, « Never ending » devrait plaire aux fans de la chanteuse, mais rien de plus. Elle n’a pas le petit plus qui pourrait faire la différence, comme c’était le cas avec « Stay » sur son dernier disque. Grosse surprise avec « Love on the brain » qui voit Riri s’aventurer sur le terrain de la soul. Oui, ça peut surprendre, et pourtant il faut bien le dire, ça fonctionne. Elle pose sa voix parfaitement, et c'est la meilleure chanson du disque. Par contre, en live, ça risque de faire sacrément mal en ce qui concerne les hight notes.

Les dernières pistes sont bien moins fortes. « Higher » commence plutôt bien, avant de nous exploser les tympans lors du refrain. Riri se prend soudainement pour une diva, et là il va falloir redescendre d'un étage. Insupportable ce titre. « Close to you » qui ferme le disque est plus jolie, plus douce. Une piste assez mignonne, mais sans grands éclats tout de même.

Bref, RIHANNA livre l’un de ses meilleurs disques. L’ensemble est cohérent, souvent plus intéressant que tout ce qu’elle a déjà fait. Mais c’est aussi un peu frustrant, car plus travaillé, l’album aurait pu aller beaucoup plus haut. Il y a aussi un problème d’identité musicale. Si « Anti » recelle de bons morceaux, il faut quand même reconnaitre que ça s’inspire beaucoup de la tendance actuelle, c’est bien fait, oui, mais rien de nouveau. Derrière les bons producteurs, où se trouve Riri ? Une question encore non-élucidée.