« On ne change pas une formule qui marche ». Voilà le leitmotiv de BAD COMPANY au milieu des années 70. Le groupe, toujours porté par le succès fulgurant de son premier album et de Can't Get Enough, ne s'est pas arrêté au statut de vulgaire supergroupe n'ayant délivré qu'un seul disque. Il en est même à son troisième en trois ans, avec la sortie en 1976 de Run with the Pack. Rares sont les groupes capables de changer de direction artistique en aussi peu de temps, et BAD CO ne fait pas partie de ceux-là. Au contraire, il répète et effectue des variations de sa propre musique – ad nauseam, diront ceux qui n'ont pas accroché à toute la discographie du groupe.

Run with the Pack serait-il donc une nouvelle copie carbone du premier BAD CO ? Pas si sûr. Voire pas vraiment en fait, en tout cas toujours moins que Straight Shooter. L'accent blues, déjà bien présent de base chez la bande à Paul Rodgers, prend encore plus d'importance ici, que ce soit dans les moments de bravoure ("Honey Child", "Live for the Music") ou d'autres plus posés ("Do Right by your Woman", "Love me Somebody"). Le mélange est dosé par quatre musiciens suffisamment bien doués avec le rock et le blues pour qu'on obtienne un enchaînement de compositions solides et crédibles. BAD CO compte également se faire plus incisif, à en croire les chiffres : 10 chansons (soit 2 de plus qu'auparavant) sur un album pas plus long, cela implique des chansons courtes et qui par définition se doivent d'être assez percutantes pour plaire au public.

BAD CO ne s'interdit pas pour autant de jouer sur le blues-rock épique. La chanson-titre présente une fusion si peu originale et pourtant si efficace entre le piano et la guitare, qui ne servent pourtant que de tapis rouge pour la performance vocale de Paul Rodgers qui, au passage, ne se prive pas de rajouter un nouveau classique au répertoire de son groupe. En revanche, si l'idée de rendre le morceau plus mélancolique à la fin n'est pas désagréable, c'est dans les faits assez raté. Quant à "Silver, Blue & Gold", cette ballade n'est pas en revanche une franche réussite, on l'écoute mais sans grand plaisir.

Si Rodgers est et reste le principal compositeur de la bande, ce n'est pas pour autant que ses compères lui laissent la plume tout le temps. Ainsi, c'est le guitariste Mick Ralphs qui signe le rentre-dedans "Live for the Music" qui n'a pas du tout oublié comment être une bonne ouverture. "Simple Man" est un mid-tempo assez sympathique, mais le placer en 2e piste n'était pas un choix judicieux tant il fait retomber la pâte. Il aurait fallu mettre à sa place "Honey Child", par exemple. Ce rock assez ZZ Top dans les riffs (et franchement fendard) est également la première composition collective de BAD COMPANY. Pour la première fois, le bassiste Boz Burrell participe à l'écriture d'une chanson dans sa carrière – on mettra de côté les impros créées lors des concerts de KING CRIMSON. Mais plus qu'un déplacement, c'est une éradication qu'il aurait fallu pour "Young Blood", une reprise médiocre et qui n'augmentera certainement pas la moyenne de l'album.

Run with the Pack n'est pas du tout un chef-d'oeuvre, BAD CO semblant condamné à ne plus jamais en créer. Ceci étant, il ne faut pas bouder son plaisir: l'album est solide, très bien interprété, et sera plus appelé que Straight Shooter dans le lecteur.

Note réelle : 3,5/5