Revoilà notre oiseau de mer, cet américain bouseux plus norvégien que nature, qui a pris la saine habitude de nous rendre visite régulièrement. Le gars a tout de même plus de 75 piges ! La classe tout de même non ? D'ailleurs en farfouillant bien, vous verrez qu'il est parfaitement capable de trousser quelques groupies backstage et qu'il continue d'assurer des shows de belle tenue. Alors ce double album à son age c'est raisonnable ça ? D'ailleurs il le dit sans ambages "Ne pas me casser la gueule du cheval" ! Démarche surprenante, mais si le plaisir est double, on va rigoler ! Une vingtaine de titres en tous cas pour se faire une idée de la santé du grandpa.

Sur le premier CD, nous avons pas mal de morceaux punchys. Le titre éponyme "Keep that horse between you and the ground" rappelle indéniablement les potes barbichus de ZZ TOP, avec un je ne sais quoi de crasseux dans la démarche. "Walkin blues" sort de la même besace blues rock texan des seventies. Toujours dans la même ambiance, le single "Gypsy blood", tout en syncope, est tout de bonne humeur, avec un son certes plus raw, n'est pas le révérend qui veut ! Et le coquin reprend le thème de "La Grange" sur "Hell", mais oui ! Bien sur, il manque la dynamique de la section rythmique des Texans et bien sûr la volubile pearly gates maniée par le Billy GIBBONS lors des soli. On est un peu dans la redite.

Cependant, les morceaux à retenir de cette galette sont ailleurs. Je citerai en premier lieu "Shipwreck love", en compagnie de laquelle on regagne les ambiances plus intimistes où l'homme au mal de mer se transcende régulièrement. Seul aux commandes, Steve impose ses émotions avec un talent consommé. Le ton de son chant en devient presque méconnaissable. Super classe, malgré des arpèges d'une simplicité désarmante. Il y a aussi "Grass is greener", un Bluegrass country jouissif de derrière les fagots, c'est le cas de le dire ! On se croirait chez les consanguins rednecks du fond de la Caroline ou de la Georgie... Enfin, je signale "Lonely road", un petit slow bien dramatique rehaussé d'un violon très far west.

Pour le reste, on évolue entre des portions très folkys, ou même parfois carrément country comme sur "Ride", toujours très minimaliste et dark. Cela dit dans le genre, c'est bien calculé avec le prix nobel accordé ces jours ci à tonton Bob DYLAN ! "Hard knocks" est une petite comptine sympa, "Bullseye" est plus éthérée. On est bien triste sur "Maybe I might", qui rappelle les grandes étendues américaines et les épopées des clochards célestes, Kerouac n'est pas loin.

Nous avons quatre reprises sur le second CD : La "Everyvody's talkin" de MCNEIL largement popularisée par le coquin Harry NILSSON cher au coeur de notre pirate Long John Silver, oscarisée sur le film Macadam cowboy, dans des atours plus roots bien évidemment, mais qui garde une certaine allure. La tristounette "Signed DC" du groupe LOVE, injustement oubliée des fans de musique. "Gentle on my mind" de John HARTFORD et pour en terminer "I'm so lonesome" de Hank WILLIAMS, qui ne perd rien en intensité sous le banjo de grandpa Wold.

Au final, pléthore de titres ne donnent pas plus de consistance au talent de SEASICK STEVE, qui tourne plus en rond sur son cheval qu'autre chose ici. Certes, il ne se pète pas la gueule en montant un canasson sauvage de rodéo qui tentera de le désarçonner. Pour autant, une poignée de titres à part, pas de quoi s'exploser les centres du plaisir. Et justement, tout ceci manque un peu du brio habituel, même si les fans du loustic et les bobos parisiens trouveront globalement le même charme indéniable et indécrottable à cet album.