En 1983, DALIDA a 50 ans, toujours élégante, la lumière lui colle à la peau, mais l’ombre n’est pas loin puisqu’elle sombre dans une profonde dépression. Son album Les P’tits Mots sonne le retour aux chansons à texte. C’est un disque de variété : une palette d’émotions, de textures et de récits, entre ballades, confessions synthétiques et chansons testament. Le tout est porté par sa voix, posée, plus sobre que jamais et des arrangements entre cordes classique et nappes électroniques.

Le disque s’ouvre sur une caresse musicale avec la chanson titre "Les P’tits Mots", petite valse à la guitare et aux cordes tendres qui déroule un cocon de tendresse. La voix de DALIDA y est douce. C’est la chanson la plus légère de l’album et elle est bienvenue. Cet amour feutré prend d’autres visages au fil de l’album. "Lucas", ballade mélancolique d’une femme qui n’a jamais eu d’enfant, fait écho aux blessures personnelles de DALIDA. Là encore, la mélodie est simple, belle, presque désuète et rappelle les ballades de ses débuts. On retrouve cette délicatesse méditerranéenne dans "Le Restaurant Italien", petite merveille narrative au paysage sonore, visuel et olfactif faisant résonner l’âme méditerranéenne. Le paysage italien prend vie et cela rappelle des chansons telles que "Love In Portofino" ou "Gondolier". La mélodie est chantante, les cordes vibrantes, toute pleines de langueur tendre et mélancolique. Dans ce paysage, il y a aussi la jolie "Marie-Madeleine" avec son orchestration classique et légère, nappes de synthétiseurs suaves.

Mais cet album ne se contente pas de murmurer l’amour. Trois chansons s’imposent alors comme les piliers autobiographiques de l’album. "Téléphonez Moi" est un petit bijou pop synthétique, rythmé, une chanson disco, légère en apparence mais dont les paroles résonnent comme un appel à l’aide et évoquent la solitude. Avec "Bravo", le masque tombe encore un peu plus. Sur un arrangement de variété française assez classique, DALIDA s’imagine vieille et oubliée dans les années 2000. Elle parle d’un futur qui lui fait peur, mais qui semble déjà en germe, presque résignée. Là encore, elle semble regarder sa propre histoire en face. Puis vient "Mourir Sur Scène" le sommet disco tragique de l’album. Si la chanson n’est pas écrite pour elle à la base, le compositeur Jeff Barnel demande à ce qu’on lui adapte les paroles. Ainsi, DALIDA s’adresse directement à la mort sous fond disco symphonique avec un crescendo dramatique. Sa voix est claire, ample, impériale et elle signe ici son testament artistique.

Autour de cette trinité centrale gravite une série de chanson d’amour qui n’atteignent pas la même profondeur. "J’aime", reprise du thème du film "Le Battant", est un mantra amoureux, feutré, une chanson répétitive, un peu trop appuyée mais brute de sincérité. "S’aimer", plus pop, est une chanson simple mais juste dans la même lignée que "Le Premier Amour Au Monde", une chanson narrative qui alterne entre chanté/parlé, douce et rêveuse avec son tempo balancé et sa musique planante.

"Les P’tits Mots", c’est une confidence, toute l’âme de DALIDA y affleure, en toute simplicité. Seuls les trois derniers titres ne sont pas à la hauteur. Cet album sent déjà venir le retrait et pourtant, c’est ici qu’elle signe "Mourir Sur Scène" sans conteste l’une des chansons les plus emblématiques de sa carrière. Disco tragique, déclaration d’artiste, promesse tenue. C’est l’une des chansons de DALIDA qui, aujourd'hui, résonne le plus fort, un air de fin de soirée, celui qui reste quand les projecteurs s’éteignent, que les échos s’estompent et que le petit jour point.

Note : 3,5/5