Après avoir donné au prog son vrai grand canon, H to He who am the only one, la bande à Hammill s'est lancée dans une tentative de double album, dans lequel devaient se trouver des plages plus longues et tarabiscotées encore qu'à leur habitude. Quel dommage qu'ils n'aient pas réalisé ce plan ambitieux, car cela aurait sans doute été un fameux ouvrage à admirer.

De ce fait, Pawn Hearts n'étant qu'à moitié achevé, il ne paraît pas totalement équilibré. C'est la raison pour laquelle je baisserai ma note à quatre, principalement à cause de la faible structure de l'album donc. Mais cela ne remettra pas en cause la qualité des chansons, dans lesquelles on sera abasourdi par l'étrangeté des amalgames acoustiques. La durée de chacune dépasse la dizaine de minutes, ainsi les quatre gars de Van der Graaf Generator avaient l'occasion de s'adonner à des divagations instrumentales et vocales dépassant ce qui avait été réalisé auparavant, par eux ou par les autres artistes qui avançaient en parallèle.

Dans la version «expanded» de l'album, il y a cinq plages supplémentaires, dont certaines auraient dû faire partie de l'autre disque. Apparemment, il devait y avoir une face consacrée à des créations solo des quatre membres : «Angle of incidents» par Guy Evans, «Ponker's theme» par David Jackson et «Diminutions» par Hugh Banton. D'autres chutes de Pawn Hearts pourraient figurer dans le travail de Peter Hammill – je pense que c'est le cas de «In the black room» dans Chameleon in the shadow of the night.

Avant ma conclusion, il faut que je parle de la fin de cet âge de VdGG. Il faut savoir qu'ils avaient étonnamment déchaîné certaines foules, principalement en Italie. Ce succès inattendu vu la nature amère et intraitable du mélange musical les avait carrément effrayés, ou au moins beaucoup fatigués. Avant de vraiment craquer, ils ont alors décidé de se séparer en bons amis, Hammill continuant seul sa carrière phénoménale. A mon sens, même si les arrangements du groupe changent beaucoup l'apparence, il faut voir une grande continuité entre VdGG et Hammill en solo. Ce n'est absolument pas le néant entre Pawn Hearts et Godbluff. Pas d'arrêt en plein élan donc, comme en atteste également la participation des autres, surtout Evans et Jackson, aux albums d'Hammill.

Voilà, de nouveau, on pourrait en dire beaucoup plus alors que ma KE est déjà longue... Pawn Hearts est quand même un album majeur du prog, dont la structure inachevée a pourtant inspiré pas mal de groupes, à commencer par Yes et Jethro Tull, ainsi que Genesis – «Supper's ready» n'est-elle pas une parodie de la déjà satirique «A plague of lighthouse keepers» ? – Tout amateur du style doit impérativement le connaître, ça ne se discute pas.