Van der Graaf Generator a mis du temps avant de sortir un album plus que décisif, un album majeur. Ses albums de 1970 montraient un groupe plutôt bien rôdé, capable de faire de grandes choses dans les sphères progressives. Mais c'est avec Pawn Hearts qye VdGG entre non seulement dans la cour des grands, mais justifie de plus sa présence. Pour faire simple, c'est le premier des deux albums majeurs du désormais quatuor, qui peuvent à ce propos trôner dans le panthéon du rock progressif.

Les raisons sont simples et peu nombreuses, mais éloquentes. VdGG parvient à pousser encore plus loin son talent et sa maitrise musicale, ce qui débouche fatalement sur des compositions au moins très bonnes. Très bonnes ? Euphémisme pour qualifier "Lemmings" et "A Plague of Lighthouse Keepers". Le premier réussit l'exploit d'être rentre-dedans dès les premières minutes avant de répéter les mêmes thèmes tout du long sans lasser un seul instant. Peter Hammill et David Jackson, en particulier, y sont impériaux, tandis que Hugh Banton et Guy Evans ne sont pas en reste et offrent un jeu incisif. Quant à la seconde... c'est complètement LE canon ultime de la fresque progressive par excellence. Plus encore que le "Lizard" de King Crimson sorti l'année précédente, "A Plague of Lighthouse Keepers" marque par ses enchainements de sous-parties sublimes, sa noirceur destructrice, le chant si halluciné de Hammill, au point que bien d'autres morceaux d'autres groupes souffrent de sa présence. Certains tentent avec succès de lui égaler ("The Gates of Delirium"), d'autres se vautrent ("Supper's Ready"), mais au final, personne ne le dépasse.

Il est dommage qu'un morceau comme "Man-Erg", intéressant mais anecdotique ici, vienne plomber la moyenne de Pawn Hearts, qui ne peut pas dès lors être considéré comme un disque ultime. Mais ce qu'a fait VdGG suffira largement, au point que le groupe aurait très pu ne jamais se reformer par la suite. Sauf que... rendez-vous en 1975.