Present me rend méfiant. Comprenez-moi, 27 ans sans sortir un seul album. 27 ans pendant lesquels s’enchaînaient des compilations rivalisant de futilité. Et voilà qu’en 2005, Van der Graaf Generator réapparaît sans crier gare, avec Present sous le bras. Le doute est légitime, cet album ne peut pas être bon.

Puis vint le moment de l’écoute. Ecoute pendant laquelle repassèrent dans ma tête ces évidences translucides qui vinrent purifier, peu à peu, mon esprit pollué de préjugés. Autant être clair, ceux qui attendront des fautes de la part du groupe se priveront de la substantifique moelle de Present. Car Present est un bon album. Précisons enfin la présence de la formation « classique » du Générateur, celle qui a engendré les meilleures pièces de leur discographie, ceci explique donc cela.

VdGG s’amuse. Il décline sa personnalité sur plusieurs champs d’actions ; ce qui donne à l’album son côté hétéroclite. Le groupe puise dans le passé et reformule son langage pour offrir à sa musiques des perspectives nouvelles, il devient contemporain de sa propre œuvre.

Present est donc un album de remise en question, écoutez donc « Nutter Alert » pour vous en convaincre. La ligne mélodique n’est pas sans rappeler un bon vieux blues des familles, certes déjà repris par des groupes comme Muse, mais qui prend ici une tournure particulière ; Le Générateur ampute sournoisement un temps par ci et un temps par là pour déstabiliser l’auditeur.

Le groupe est toujours aussi hargneux, les trois titres « Boleas Panic », « Abandon Ship ! » et « In Babelsberg » imposent des rythmes intelligents et parfois assez difficiles à suivre. Comme « Nutter Alert », une attention particulière est portée sur les dissonances. Déjà sur les nerfs après avoir écouté le début du morceau, l’auditeur assiste médusé à une déstructuration totale des harmonies, et au moment où le chao semble régner, une pulsation se produit subitement pour à nouveau faire briller les accords fondamentaux, le contraste est stupéfiant.

Une résonnance incroyable se dégage de l’album, « Every Bloody Emperor » est une pièce majestueuse où s’entremêlent dans un pandémonium les phrases religieuses de l’orgue et les hurlements du saxophone. Le titre dérive peu à peu dans une brume malsaine et s’échoue sur un rivage rocailleux, ne laissant à l’oreille que les éclats des embruns sur la coque éventrée.

A ce titre s’oppose le curieux « On The Beach » qui semble exorciser les maux du premier disque par sa légèreté et son exotisme.

Le second disque (instrumental) est uniquement constitué d’improvisations et apparaît beaucoup moins équilibré, moins passionnant aussi. Pourtant non dépourvus de bonnes idées, les morceaux se perdent quelques fois et semblent contenir leurs capacités. On notera également que dans sa totalité, Present dépasse 1h40, et autant de musique, aussi bonne soit-elle, devient difficile à digérer.

Van der Graaf Generator a néanmoins réussit son retour sur la scène, il ne se dénature pas, mais il évolue. Vers on ne sait où, mais très probablement dans la bonne direction.