On pense tout d'abord a une erreur dans la tracklist. Mais non, "Erlenmeyer", avec ses 19 minutes au compteur, est bien le morceau le plus long à mettre au crédit de MATMATAH qui fait de ce morceau le parangon d'un album bariolé, témoignage d'un groupe multicolore qui ne s'est jamais rien interdit, et prouve une nouvelle fois que sa liberté artistique n'est pas négociable.

Après avoir entamé en 2019 des sessions d'écritures stoppées par vous-savez-quoi, les membres du groupe ont travaillé, chacun de leur côté, avant de se rassembler pour mettre en commun leur fruit de leurs pérégrinations artistiques. Cinq ans après le succès de l'excellent album Plates Coutures, la méthode ici adoptée est donc plus volatile, peut-être un peu plus décousue, mais le procédé voit le groupe mettre en oeuvre un projet artistique inédit, véritable condensé de la carrière du groupe.

"Erlenmeyer", malgré ses airs de mastodonte, est un des bourgeonnements qui donnent une odeur exquise à ce nouveau millésime. Car, il y a de tout dans ce Miscellanées Bissextiles au titre approprié. Du rock direct et sans fioritures qui défouraille (quelle excellente chanson que "Le Rhume des foins"), quelques espiègleries au piano ("SklogW"), de l'agressivité effondriste ("Obscène Anthropocène", petit frère de "Nous y Sommes" et certainement un des textes les plus forts de cet album pourtant foisonnant de trouvailles et de bonnes idées), un retour frontal à des sonorités celtiques ("Trenkenn Fisel" et sa bombarde bretonne jusqu'au bout du bec), et quelques voyages pop-rock accessibles qui évoquent le meilleur de l'époque Archie Kramer / La Cerise ("Brest-même", "Bet You and I", "Let's Say it's Allright"). Avec ses programmations, "La posologie", clin-d'oeil évident à un célèbre morceau au nom similaire daté de 1998, sonne à la fois moderne et classique, les ambiances évoquant l'album Rebelote. Il y a un foisonnement aéré, une urgence mesurée, qui fait de cet album le résultat savoureux de l'identité distincte des membres du groupe. Ode à l'insouciance créatrice, à la jubilation artistique, ce travail d'orfèvre se fait bien moins direct et évident que son prédécesseur. Pour autant, il exhale des saveurs nouvelles, puissantes et délicates, qui voient MATMATAH élargir encore le spectre des possibles. Comme si, pour ce groupe décidément hors normes, l'aboutissement du voyage était encore loin.