MATMATAH s’est fait relativement rare lors des deux dernières décennies, le groupe n’ayant sorti que trois albums depuis 2005. Pourtant, difficile de penser, à l’écoute de Miscellanées Bissextiles, que le groupe a peiné à trouver l’inspiration, ce sixième opus étant un double-album. Qui plus est, la diversité est au rendez-vous et tout au long des quatorze morceaux qui composent celui-ci, le groupe nous convie dans des univers et des ambiances très variés. Cela donne le sentiment que MATMATAH ne s’est imposé aucune barrière, aucune limite.

On passe ainsi allègrement d’un morceau foncièrement rock et direct comme "Le rhume des foins" qui dépasse à peine les deux minutes, à l’étrange "Erlenmeyer" qui taquine les vingt minutes, sorte de longue pièce fourmillant d’arrangements fouillés et qui oscille entre le symphonique et le progressif. Tout en passant par un long instrumental qui mêle habilement rock 60’ et sonorité bretonnantes : "Trenkenn Fisel". On le voit, MATMATAH, fidèle à son image, s’autorise tout et ne recherche pas la facilité.
Il en résulte un album très riche et touffu qui ne s’apprivoise pas facilement. Le groupe nous propose des morceaux qui peuvent sonner évidents et jouissifs, tout comme des titres bien plus surprenants et déroutants.
Dans la première catégorie, on peut mentionner "Populaire", "Brest même", "Obscène Anthropocène" et "Le rhume des foins", avec une mention pour ce dernier qui se montre assez imparable. Avec "Obscène Anthropocène" MATMATAH reprend le thème de l’écologie et de la décroissance déjà abordé avec "Nous y sommes" (Plates coutures, 2017). Il est intéressant de constater qu’alors que sur ce dernier titre, le texte était facilement compréhensible, c’est moins le cas avec "Obscène Anthropocène" qui pâtit d’une ambiance et d’arrangements plus sombres nuisant un peu à son accessibilité.

Les morceaux les plus 'étranges', au regard de l’image du groupe, sont eux bien plus nombreux. On se doit d’abord de réciter "Erlenmeyer", une pièce complexe et évolutive, qui progresse doucement en passant par différentes ambiances. Le groupe nous convie dans des univers rock, éthérés, électroniques, rock progressif sans nous faire subir d’à-coups. C’est impressionnant, même si cela demande un d’effort de concentration et d’attention pour en saisir toutes les saveurs. Nous sommes là très loin de l’image festive et directe de MATMATAH.
L’hypnotique et envoûtant "Hypnagogia" est bien plus facile d’accès. Le titre fait référence à la phase d’endormissement, l'hypnagogie. Cela se reflète dans les ambiances feutrées et les voix lointaines développées par les musiciens. Le final plus symphonique et grandiloquent laisse penser que le personnage a sombré dans ses rêves. C’est original et très réussi.
Parmi les morceaux calmes, on peut également citer la ballade "Let's Say It's Alright" qui, si elle ne brille pas par son originalité, se révèle très agréable.
Avec "Bet You And I", on quitte la facette progressive et/ou calme du groupe pour plonger dans une pop britannique renforcée par un chant en anglais, toujours assez déconcertant pour MATMATAH. C’est enjoué, lumineux et efficace.
Avec "La posologie", MATMATAH flirte de manière amusante avec le même thème que dans leur mythique "L’apologie". C’est divertissant et le chant me fait parfois penser à OLDELAF.

Il reste toutefois quelques titres qui n’ont pas trouvé d’écho en moi, à l’image de l’étrange "Coupette ?", ou du trop prévisible "l’Aventure".
Mais le côté ambitieux de ce pavé finit par emporter la partie. Et, malgré certains aspects qui le rendent difficile à apprivoiser dans sa totalité, ce Miscellanées Bissextiles est le témoignage d’un groupe exigeant et original.
Je regrette cependant que le traitement du son ne permette pas toujours d’avoir une compréhension aisé des paroles. Dans ce domaine, le groupe a été plus inspiré par le passé.
Quoiqu’il en soit, et de manière un peu paradoxale, cela sent le travail et la liberté. Et ça, ça plait !