Godbluff est un paradoxe : sorti en 1975, après un hiatus de 4 ans, la logique aurait fait de lui un solide album du retour, avec un VAN DER GRAAF GENERATOR aux prétentions solides ; il n’en est rien puisqu’il s’agit plutôt du meilleur album du groupe, à ce jour.

En 4 morceaux, le groupe le plus torturé du rock progressif montre qu'il est possible d’aller encore plus loin que le pourtant grandiose Pawn Hearts et son morceau-fleuve flirtant pourtant avec l’Achéron. Godbluff ne s’embourbe en rien dans des circonvolutions hasardeuses, il frappe dur en 'peu' de temps et magnifie son art.
Dès "The Undercover Man", on se retrouve plongé de nouveau dans l’univers toujours aussi sombre de l’esprit de Peter Hammill & cie, dont on ne ressort jamais indemne.

Godbluff, c’est la tristesse sans le pathos, c’est la douleur sans l’apitoiement, c’est le coup de poignard qui frappe aussi fort que juste. Difficile en particulier de résister aux hurlements déchirants de Hammill auxquels répond avec férocité le saxophone de David Jackson sur "Arrow", soit LE morceau définitif de VAN DER GRAAF GENERATOR.

On a l'habitude de dire que VdGG est un groupe difficile d’accès, qu’il faut aborder sans être déjà dépressif. La chose est on ne peut plus vraie pour Godbluff, mais c’est là le véritable paradoxe, l’horrible piège : Godbluff est accessible. Moins âpre que les premiers efforts du groupe, moins terrifiant que Pawn Hearts par des morceaux au format bien digeste, l’opus n’en devient que plus terrifiant, de par sa faible lumière rassurante n’ouvrant que sur un océan de ténèbres.