Le parcours de U2 est assez étrange. Alors au sommet de sa gloire, le groupe décide de quitter le devant de la scène, annonçant à la surprise générale, lors de sa tournée écourtée 'Lovetown tour' en 1989, qu'il "lui faut s'éloigner". Suite à quoi les apparitions médiatiques du groupe se font très rares pendant 2 ans, jusqu'à la sortie d'Achtung Baby, en Novembre 1991. Le groupe a alors passé un an à enregistrer un album au son résolument différent, entre Berlin et Dublin, à l’opposé de ses précédentes escapades américaines.

La nouveauté, c'est la disparition du côté blues des dernières productions au profit d'une coloration électro. U2 entame ainsi sa 'troisième trilogie'. On reconnaît bien le style du groupe, sans difficulté, mais le son s'est épaissi, la basse plus râpeuse est mise en avant. Des lignes de guitare plus saturées font leur apparition, les nappes de claviers font corps avec l'ensemble. La batterie apporte des effets de distorsion, la voix de Bono est régulièrement filtrée (du phasing en particulier) et on pourrait même parler de surproduction.

A l'image de sa pochette 'pop Art' très inspirée par les travaux d'Andy Warhol (la tournée de pop, 6 ans plus tard, baptisée 'Popmart', y fait sûrement référence), U2 accumule les effets de mode, faisant ainsi un pas en avant remarquable. Le groupe s'écarte ainsi de la vague synthpop quand bien même Flood, leur producteur, est également celui de DEPECHE MODE. Achtung Baby est ainsi un album qui ne vieillit pas, précurseur du son des années 90, sur ce point particulier.

Innover, c'est un bon point, encore faut-il que l'album en ait dans le ventre. La réponse est oui, mille fois oui. Achtung Baby constitue même le sommet de la discographie du groupe à côté de War. "The Fly", premier single mettant en vedette ces effets de saturation électronique et de distorsion, dévoile un Bono multifacettes : le chant est susurré, trafiqué et puis s'envole dans des tonalités aiguës efféminées sur le refrain (chose que l'on retrouve à plusieurs reprises sur tout l'album et sur les suivants), effet qui aura des répercutions importantes sur les productions à venir (cf. RADIOHEAD, PLACEBO, MUSE et j'en passe).

On se régale donc, sur des "Zoo Station" et sur les tubes "Even Better Than the Real Thing", "Mysterious Ways", "Ultra Violet" et "Until the End of the World". A cela, s'ajoute un titre plus classique, dénué de tout effet, et donc très peu représentatif : "One", une balade qui remporte un franc succès et aux dires de tous, l'un des meilleurs titres du groupe (rien à voir avec le "One" de METALLICA sorti 3 ans auparavant).

Enfin, mis à part le titre "Acrobat", il est difficile de faire de réels reproches à un morceau en particulier. L'inconvénient, comme dans la plupart des albums du groupe, c'est que le disque manque parfois de hargne. Achtung Baby parle d'amour et U2, malgré son engagement politique très prononcé, signifie encore 'You too'. On regrette donc, une fois de plus, une certaine redondance dans la lenteur, surtout lorsqu'on sait le groupe capable de sortir des titres plus nerveux. U2 n'a donc jamais réussi à sortir l'album irréprochable. Achtung Baby fut cependant un candidat très sérieux à ce titre prestigieux.