Elle a l'air bien plus douce, plus mutine et innocente, la petite Laura, en gros plan sur ce second album après le succès radiophonique de son "Gloria". Et pourtant, ce qui frappe dès les premières secondes, c'est le son clairement plus edgy que la grande brune va adopter. Single taillé pour les radios de l'époque, "Solitaire" mélange synthpop et guitare rock FM graisseuse en solo pour une chanson qui mise tout sur l'énergie. On reconnaît immédiatement le timbre de la dame, à la fois fait de velours et de feu, mais par rapport au premier opus, les synthés sont plus agressifs, plus tranchés. Un petit peu kitsch encore, cependant.

Solitaire... Drôle de jeu. Bizarre comme en 1983 les chanteurs Américains se sont subitement mis à y jouer, en commençant par Joe Esposito, en duo avec MORODER... Tiens ! Stupeur et fiente de gnou, Esposito est dans les choeurs de ce disque ! Quel petit vilain a copié sur son camarade ? Pas grave, de toutes façons il n'est pas seul : Laura et son producteur Jack White se sont pour la seconde fois entourés de pointures. Et ça peut s'entendre sur la majeure partie des chansons : les musiciens sont impeccables, sauf donc les sons de synthétiseur qui parfois conservent un petit côté grassouillet sur les entrecôtes.

Des chansons qui font sans cesse le grand écart entre ballades et morceaux pop enjoués, avec en plein milieu un curieux interlude, une reprise des WHO reprenant l'accordéon et le côté bluegrass de l'original. Chanté et produit ainsi on dirait un mix entre Keith FORSEY et Bruce HORNSBY. Les autres titres restent dans un style bien plus typiquement variété américaine. Au rayon des bonnes surprises, "Deep In The Dark" avec son petit riff infectieux et ses parties parlées fait penser à la Kim CARNES de ces mêmes années ; "Find Me" est une jolie ballade à la voix puissante qui aurait fait une parfaite fin d'album, mais c'est "Don't Show Your Love" qui a ce privilège avec un ton assez heavy, surprenant quand on sait que son auteur est Lee HOLDRIDGE. Surprenant mais pas pour longtemps : le pont excessivement classe remet les pendules à l'heure.

Les autres titres pop n'ont pas autant de chance. "I'm Not The Only One" est bien rythmée mais risque de vous rappeler fortement... Jean-Pierre FRANCOIS (aaaaaaadlib), et avec "Mama", Branigan tente de refaire le coup d'une reprise d'Umberto TOZZI (mêmes soucis que pour "Gloria", succès public en moins). Cependant, c'est encore une fois sur les titres les plus outrageusement romantiques que Laura s'en tire le mieux : "Close Enough" est grâcieuse et pleine de puissance, avec de grosses guitares placées stratégiquement ; à l'inverse, "How Am I Supposed...", joue à fond la carte de la guimauve, mais dans son genre, c'est terrassant : gluant, passionné, au pont exaltant la fureur des sentiments. Quand on sait que c'est le premier titre écrit par un certain Michael BOLTON, et destiné au départ à AIR SUPPLY, on comprend que le Nutriscore tende vers le Z-. Mais c'est la meilleure chanson de cet album.

Album qui, s'il n'a pas tout à fait le charme désarmant du premier, reste tout de même bien sympathique pour les amateurs de pop et de variété. La voix est naturellement impeccable, forçant juste un peu plus sur les passages durs, les défauts sont les mêmes, les (grandes) qualités aussi. Reste cette ambiguïté qui plane au-dessus des deux faces : Laura n'arrive pas parfaitement à concilier big rock et slows langoureux, y parviendra-t-elle ou devra-t-elle prendre une tangente ? Avec un tel minois, un producteur obstiné et un carnet de contacts gros comme l'annuaire du Doubs, il était évident que le troisième opus ne tarderait pas à venir éclaircir cet horizon...