J'te mentirais... si j'te disais qu'j'y ai pas pensé... Si, cette fille j'la connais... Excusez de faire mon BRUEL, mais à l'heure de parler de ce premier album de Laura BRANIGAN, il faut bien faire son mea culpa : oui, un certain nombre, pour ne pas dire un nombre certain, d'acheteurs mâles ont été d'abord attirés par cette pochette, aussi simple que magnifique. Mais dès les premières notes, le côté esthétique disparaît bien vite pour laisser place à un enchantement sonore. D'abord choriste de session, la belle Laura a vite attiré l'attention des producteurs avec un ton entre Stevie NICKS et Pat BENATAR, assez grave, velouté, sensuel mais puissant. Une "chanteuse née" comme on dit, capable de chanter tout autant du rock que des ballades.

Alors où se situe cette carte de visite ? Entre les deux : il s'agit globalement de variété, mais de la bonne, avec des musiciens haut de gamme. Lee Sklar, la paire Landau / LUKATHER, Carlos Vega, les frangines Waters aux choeurs : le menu est alléchant. Et pour assurer la production, qui se devait d'être passe-partout pour bien mettre en valeur l'organe de la grande Laura, le claviériste Greg Mathieson, assisté de Docteur Synthé alias Michael Boddicker. Le résultat se montre à la fois enthousiasmant et perfectible. Nous parlons de musique car, au niveau vocal, ça ne mérite pas une critique de plusieurs paragraphes : la dame est sublime, toujours avec le ton qui convient, que ce soit dans l'intimiste ou le gueulard.

Enthousiasmant donc car la musique est variée - je le répète à satiété : ça fait partie du mot varié-té. On passe du rock hard FM ("Living A Lie" au solo de guitare pyrotechnique, une chanson qui ressemble presque à du DORO !) au très doux ("If You Loved Me", une chanson de Diane WARREN qu'elle ne pourrait pas renier, et qui met un peu de temps à décoller). Les musiciens se mettent au diapason, sachant parfois se faire très discret, par exemple sur "I Wish We Could Be Alone", slow fonctionnel mais charmant et qui a pour particularité d'être écrit par Laura. Et le perfectible ? Il se décompose en deux petits regrets : quelques titres un peu bateau ou moins percutants, comme le up-tempo rockabilly "Down Like A Rock", mais surtout une prod qui pêche un peu côté claviers. Si le sorcier Boddicker a pu concocter quelques intros et effets sympathiques, Mathieson ne fait pas toujours dans la dentelle et quelques sons de synthé sont un tantinet cheap.

Du coup, si le nom de BRANIGAN semble vous dire quelque chose, vous allez peut-être nous faire un coup de Souplex (Raymond) en croisant le titre "Gloria". Cette reprise du méga-hit d'Umberto TOZZI est peut-être encore plus connue que l'original. Las, la lourdeur de la production, associée à une langue anglaise moins flatteuse, fait de cette cover un titre moins bon que celui de TOZZI. Le succès outre-Atlantique (et même ici) sera phénoménal et révèlera BRANIGAN au grand public de façon durable. Dommage que cette reprise fasse partie des titres moins intéressants.

Dommage car si l'album est globalement gentillet et agréable, il est surtout porteur de deux vrais bijoux, qui mettent en valeur l'équation complète d'une bonne chanson : la voix, les musiciens, la mélodie. Ouverture spectaculaire dans le genre "je vais t'accrocher", "All Night With Me" est immensément fédérateur (en plus d'être compréhensible : "toute la nuit avec toi" ? ......avec le chemisier de la pochette ? Hmmmm let me not think...). Couplets sensuels, refrain exalté, approche très Al JARREAU avec ces accords jazz complexes mais porteurs d'une mélodie simple au possible, pont sublime, construction nickel, une grande chanson. Tout aussi humaine et passionnée, mais plus pessimiste, "Lovin' You Baby" offre un refrain poignant où Laura peut exprimer sa sensibilité à satiété.

Rien que pour ces deux titres, le premier album de la demoiselle est conseillé à tous les amateurs de bonne variété accessible mais pas soupe. Le reste ne se montre pas toujours à la hauteur mais se laisse franchement écouter, d'autant que le disque est court (comme souvent à l'époque) et se termine sur une ballade qui est un vrai final, et puissant avec ça. La note finale est donc moyenne, mais une bonne moyenne, avec surtout la promesse de lendemains qui chantent. Car voix splendide + tube international + bonne réputation de studio, voilà une recette de début de carrière enchanteresse pour le moins.