Difficile de dire quelque chose de cet album de -M- qui ne semble pas être une priorité pour l'artiste lui-même au cours de cette année 2015, très marquée sous le signe du collectif. Il s'agit d'un voyage, un rêve mis en musique avec, pour le livret, la collaboration de Matthias Picard, dessinateur de roman graphique/bande dessinée indépendante connu pour ses participations à la revue Lapin de l'éditeur L'association et pour Jim Curious, une sortie en jeunesse de 2012 qui avait la particularité d'un effet en 3D.

On ne parle plus de livret en fait, mais de livre CD, comme un album illustré pour enfants dont l'histoire est aussi proposée sous forme audio. Vendu dans les 30 euros, cet objet plutôt beau à voir, je m'en souviens pour l'avoir mis en nouveauté sur table à la FNAC et au-dessus d'une étagère de face, en Beaux-Arts (en plus du rayon disque traditionnel), mais... en l'ayant gardé longtemps sans le vendre convenablement. Par son seul nom, -M- n'avait même pas besoin d'être aiguillé. À l'heure actuelle, je ne sais toujours pas si ce projet a eu du succès, ou l'inverse.

Projet d'abord visuel, il faut bien le dire. Il y a un CD certes, mais côté musique, Matthieu CHEDID a autre chose sur le feu alors et plus important, plus parlant à son public : l'album en famille qui sort pendant l'automne, avec Louis le père, Joseph/Selim et Anna/Nach ses frère et soeur. Et qui contient des chansons, alors qu'ici, c'est du tout instrumental sauf quelques récitations, dialogues éventuels avec Vanessa PARADIS ou une voix féminine qui lui ressemble fortement.

En 2003, -M- avait déjà expérimenté cette formule plus exigeante pour son public à travers l'album Labo M, mais ici, les contraintes sont plus fortes, la nécessité de coller à une histoire, le temps d'enregistrement limité à une semaine en plein Bruxelles. Et tout cela prend forme en deux longues parties de trente minutes, sachant que la deuxième est la version sans paroles de la première, plus ou moins retravaillée, sur laquelle on peut vite passer.

Le rêve débute avec les voix ensommeillées de PARADIS et de Matthieu, et s'achève avec le chant des grillons et la sonnerie du réveil électronique. Entre les deux, l'artiste alterne récitations, qu'on a un peu du mal à suivre en réalité, mais ce n'est pas forcément à cause de l'histoire qui contient sa touche enfantine et son lot d'allusions sexuelles, sans lesquelles -M- ne serait plus -M-.

C'est plutôt la musique qui est dure à assimiler, à retenir. Les improvisations en groupe se veulent blues-rock et lourdes pour de nombreux passages sombres qui pourraient nous convaincre parfaitement si il n'y avait un je-ne-sais-quoi de rébarbatif et de forcé. Les parties sont hachées, on assiste à un collage pas toujours habile des parties musicales avec l'histoire, on entend quelques variations jolies en rythme biguine ou alors gospel/bluegrass, sans oublier une poignée de moments où la guitare électrique plane avec une certaine force, le thème "andalou" avant tout.

Les solos sont légion et figurent souvent parmi les meilleures idées, mais globalement, celles-ci restent limitées. On écoute l'ensemble, non sans plaisir (mis à part la voix pitchée de -M- dans les graves aux alentours de la 20ème minute, désagréable au possible), mais aussi simplement par curiosité, une fois, sans chercher à y revenir. On apprécie le talent de l'artiste et sa capacité à proposer autre chose au vu de son rang national, mais il a fait mieux, y compris sur ses albums chantés. Et puis, B.O²-M-, quel cauchemar à afficher en informatique avec des outils de travail pas toujours compétents !