Un après l'album Chédid, le fils Mathieu -M- réalise une nouvelle oeuvre collective avec Lamomali. Ce titre qui ressemble à du TRYO est particulier pour ses chansons enregistrées avec les joueurs de kora Diabaté père et enfant, Toumani et Sidiki. L'âme au Mali, tout sauf une anomalie pour -M-.

La musique africaine plus ou moins connotée a toujours fait partie de ses influences, et lui-même a effectué régulièrement des voyages au pays de Tombouctou. C'est donc avec un certain naturel qu'une telle oeuvre reprend l'idée de rencontre ciblée. Les souvenirs des événements historiques récents et du film de Sissako demeurent présents.

On préfère que l'album soit apprécié pour sa qualité artistique avant toute chose, dans un milieu musical actuel où il est si facile d'être récupéré très vite par certains médias afin de nourrir le jeu politique. Cela tombe bien, on a de quoi l'apprécier, si l'on excepte justement les deux morceaux trop connotés et faits pour plaire.

"Bal de Bamako", voilà bien un single qui ne peut réconcilier les détracteurs de -M- avec lui. On retrouve son identité musicale funky chamarrée, avec des rimes et jeux de mots d'un niveau primaire, ainsi qu'un clip second degré certes, mais dont les images bling-bling et clichés sur le Mali peuvent très vite irriter. Niveau voix, le meilleur reste l'arrivée d'Oxmo PUCCINO.

"Solidarité" réunit de nombreux artistes africains et d'ailleurs, venus de pays différents, Youssou N'DOUR à Ibrahim MAALOUF, en passant par SANTIGOLD, le brésilien Seu JORGE et le rappeur français NEKFEU. Une sorte de nouveau "We Are the World" en plus modeste et funk, dont on comprend le sens sans que cela justifie sa place ici, au milieu du reste dont il s'éloigne tant.

Certes, il y a toujours l'esprit rencontres, il faut des singles porteurs, mais ces deux-là dérangent, soit pour le côté hors-sujet (on ne parle pas du message de "Solidarité"), soit pour le fait-pour-plaire-à-tout-prix ("Bal de Bamako, j't'ai dans le peau..."). Nul doute que ces deux-là seront mieux cités lors de la promotion du disque, pour l'humanisme ou le côté dansant.

C'est que le reste de Lamomali, et ce qui en fait son intérêt principal, retient notre attention par une autre forme de modestie qui se met au service de la création avant toute chose. Ce n'est pas forcément l'album le plus mémorable dans le mélange des musiques européennes et africaines/traditionnelles (difficile d'égaler Passion de Peter GABRIEL), mais ça reste un beau moment.

Les arpèges de kora se courent après et s'entremêlent de "Manitoumani" jusqu'à "Mama", grâce au toucher délicat des Diabaté. Les éléments électro-new age restent discrets, et on évite le piège de la musique-bruit de fond, en particulier grâce à l'arrangement des cordes. Sur le dernier titre, "Koman le Héros", la guitare de Mathieu revient apporter son sel le plus fin et trop absent sur la plupart des titres, quand elle est trop présente et mal dosée sur d'autres ("Bal de Bamako").

"Une Âme" et "Cet Air" forment le meilleur de l'opus, équilibré avec force entre l'approche de -M- et les paroles inspirées par la sagesse et le vent du désert, comme un voyage initiatique. La chanteuse Fatoumata Diawara, révélée au grand public par le film Timbuktu, y apporte une jolie couleur vocale conjointement à un -M- planant et habité comme on l'aime. Le père de ce dernier, Louis, le rejoint pour un "Toi Moi" peut-être plus facile, mais qui reste dans le ton.

À écouter donc en priorité pour les titres calmes, ceux où la kora ressortent le mieux et où les paroles paraissent presque superflues tant la musique se suffit à elle-même. Aussi, et on l'apprécie pour cette raison-là, le titre en compagnie de JAIN et AMADOU & MARIAM ("L'âme au Mali"), qui détonne pas mal à cause de son tempo électronique, comme les deux singles. Cet esprit décousu est vraiment regrettable !