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SAVOY BROWN - Shake Down (1967)
Par LE KINGBEE le 19 Octobre 2018          Consultée 1784 fois

En préambule, commençons par clarifier plusieurs choses : 1) bien qu’ayant connu un gros succès en territoire américain, SAVOY BROWN est un groupe anglais. 2) Le groupe peut être considéré comme l’émanation d’un seul homme : le guitariste Kim Simmonds. 3) La formation est toujours active, à l’heure où j’écrivais ces modestes lignes elle se prépare à une mini tournée aux States.

A travers ce premier disque, revenons brièvement sur le groupe. Originaire de Newbridge, ville au Sud du Pays de Gales, Kim Simmonds se passionne très tôt pour la musique en écoutant les disques de son frère aîné Harry. Il se met à la guitare et à 13 ans, les riffs de Chuck BERRY n’ont guère plus de secrets pour lui. Peu intéressé par les études, il quitte l’école à 15 ans et est embauché dans un service religieux au sein du ministère de la défense. Quand il ne bosse pas, Kim se vautre dans la maison familiale en écoutant ses idoles : Earl Hooker, Muddy WATERS, Freddy KING, Ike TURNER, Otis Rush ou Jimmy REED. Parmi ses autres occupations, l’adolescent a l’habitude de trainer ses guêtres au Transat Import, un magasin de disques entre Soho et le quartier chinois, spécialisé en Blues et en Soul. C’est là que Kim va rencontrer John O Leary⃰, un jeune harmoniciste partageant les mêmes passions.

Encouragé par Harry, le frère aîné, les deux adolescents se produisent lors de fêtes scolaires, de soirées d’anniversaire ou de jams dans les clubs de la capitale. Les deux ados décident de passer à l’étape supérieure en montant leur propre groupe The SAVOY BROWN BLUES BAND, rejoints par le bassiste Ray Chappell, le chanteur Brice Portius, le batteur Leo Manning et un pianiste occasionnel Trevor Jeavons, bientôt remplacé par Bob Hall (ex membre de John Lee’s Groundogs). Le combo se transforme rapidement en Savoy Brown, nom plus simple qui rend hommage au label Savoy et à plusieurs artistes de Blues et de R&B (Roy, Ruth, James). Si Harry leur sert de manager, le groupe n’a ni maison de disque et a du mal à décrocher des contrats. Les deux frangins Simmond décident d’investir en plaçant quelques billes au Kilroy une taverne londonienne située sur la rive sud de la Tamise. La taverne servira bientôt de camp de base au label Blues Horizon et au fanzine R&B Monthly dirigés par le producteur Mike Vernon et Neil Slaven.

La roue va vite tourner, le 2 aout 66, Savoy Brown sert de première partie à CREAM à Manchester. C’est la première fois que le combo se produit en dehors de ses pénates londoniennes. Toujours en aout 1966, Vernon décide d’enregistrer plusieurs groupes. SAVOY met en boite quatre titres au Wessex Studio dont deux apparaissent sur le label Purdah Records, propriété de Vernon. En 1967, âgé tout juste de 20 ans, Kim Simmonds et son groupe se produisent dans les plus grands clubs anglais, les présences du chanteur et du batteur, deux artistes noirs, leur permettent d’intégrer également le circuit des clubs de Soul.
En juillet 67, suivant les recommandations de Vernon et Slaven, Decca prend le groupe sous contrat et l’envoie au West Hampstead Studios, là où les Beatles n’avaient pas été signés en 62 suite à une audition jugée ratée (Decca s’en mordra les doigts éternellement). « Shake Down » est enregistré en trois jours nécessitant 30 heures de sessions. Si le disque bénéficie d’une tournée promotionnelle importante avec près d’une vingtaine de concerts, la formation se fait les dents en servant de backing band à John Lee Hooker. Mais les rouages ne vont pas tarder à grincer, lors d’un concert dans le Devon, le groupe est pris la main dans le sac, en l’occurrence un petit paquet de cigarettes qui font rire. Harry renvoie son frère du groupe qui devait partir en tournée au Danemark. Ce premier couac sera rapidement suivi d’une abondance de controverses et d’un nombre incroyable de changements de personnels, cause probable du manque de succès du groupe dans son propre pays. La suite … lors d’un autre épisode.

Bien que jouant ensemble depuis plus d’un an, on ne peut pas dire que le groupe ait fait de l’écriture son domaine de prédilection. On ne retrouve ici qu’une seule compo « The Doormouse Rides the Rails », un instrumental de Blues Psyché de Martin Stone ⃰ ⃰⃰, un guitariste venu compléter la line-up pour l’enregistrement. Un titre long pour un instrumental. Hormis cette compo qui fait figure d’exception ici, on retrouve trois titres de Willie DIXON avec en ouverture « I Ain’t Superstitious », immortalisé par Howlin’ Wolf et lamentablement volé par Stevie Wonder quelques années plus tard. Le groupe peut se targuer d’être le premier à reprendre ce standard. Même chose avec « Let Me Love You Baby », gravé sans succès par Buddy GUY pour le label Chess. On pourra préférer les versions postérieures de Koko TAYLOR ou de Magic SLIM. Dernier emprunt à Dixon avec « Little Girl », titre repris pour la première fois, la chanson n’ayant semble-t-il pas trouver preneur.

Outre DIXON, la formation revisite le répertoire des 3 KING par trois fois avec « Rock Me Baby », premier grand succès de BB KING, fortement pompé sur « Rockin’ & Rollin’ » du texan Lil Son Jackson, lui-même inspiré d’un titre de Big Bill Bronzy. En Blues, c’est un peu comme dans le cochon, le bon charcutier réussit à tout recycler. Savoy Brown reprend donc ici le titre sous la forme d’un shuffle presque trop respectueux qui ne retient guère l’attention. Second emprunt cette fois ci à Albert KING avec « Oh ! Pretty Woman » titre figurant sur l’album d’anthologie « Born Under a Bad Sign ». Alors ne tirons pas sur l’ambulance, mais on se rend vite compte que nos anglais ne peuvent rivaliser avec BOOKER T & The MG’s, groupe attitré du label Stax qui accompagnait Albert KING. Pour un peu on préférera même la version de John MAYALL enregistrée quelques mois avant celle de SAVOY BROWN. Le troisième emprunt aux Rois (King) provient d’un instrumental de Freddy KING, et ce n’est pas faire injure aux anglais de préférer le phrasé du colosse texan.

Le thème de la nuit sombre a inspiré plus d’un compositeur (Lowell Fulson, DEEP PURPLE, Buddy HOLLY). Ce « Black Night » est tiré d’une compo de Jessie Mae Robinson interprétée par Charles Brown et popularisée plus tard par Bobby « Blue » BLAND et Muddy WATERS. Là encore les anglais ne peuvent rivaliser avec les versions précitées, mais le morceau a l’avantage de tempérer les ardeurs. Même impression avec « I Smell Trouble », œuvre de Don Robey pour Bobby Bland, le groupe privilégie ici un tempo lent qui adoucit le contenu. Mais la comparaison avec la version torride d’Ike et Tina TURNER ne tourne encore une fois pas à l’avantage des anglais. Le timbre de Brice Portius très orienté sur une sonorité Soul fait merveille sur « « It’s My Own Fault », le rythme volontairement freiné atténue la tension par rapport à l’original de John Lee HOOKER. Mais nous avons probablement là le meilleur titre du disque. L’univers et l’ambiance du Delta s’évaporent entièrement sur « Shake’ Em on Down », grand succès de Bukka White (oncle de BB KING). Le groupe quitte les rives boueuses du Mississippi pour nous expédier en plein Blues Psyché et il convient de bien s’accrocher aux branches, la retombée est dure, surtout pour ceux qui on en tête les versions de Tommy Mc Clennan, Fred Mc Dowell, RL Burnide ou Bobo Jenkins.

Ce premier disque constitué à 90% de reprises ne marquera que peu les esprits mais posera les jalons d’un groupe, ou plutôt d’un homme, à la discographie conséquente. Alors que le British Blues explosait dès le début des sixties avec Alexis Korner Blues Incorporated, The YARDBIRDS, THEM, John MAYALL & the Bluesbreakers, sans oublier les STONES, SAVOY BROWN allait s’annoncer comme l’un des précurseurs d’un mélange combinant Blues Rock et Blues Psyché, deux tendances qui connaîtront quelques années de gloire. Un siècle après sa sortie, « Shake Down » marque les balbutiements d’un jeune groupe qui hésite encore entre Blues Psyché, tendance Acid, et un Delta Blues qu’il ne connait que par l’intermédiaire d’écoutes de disques.

⃰ John O Leary, parti juste avant l'enregistrement se produira ensuite au sein du John Dummer Blues Band, The Downliners Sect, Sugarkane. John a accompagné Champion Jack Dupree sur « The Heart of the Blues Is Sound » édité en 1969 par le label français BYG. Il est toujours actif et se produit avec Alan Glen au sein d leur propre groupe The John O Leary & Alan Glen Blues Revue.
⃰ ⃰ Martin Stone, bouquiniste et chercheur de livres rares, intégrera par la suite The Action, Mighty Baby et le Southern Confort, groupe comprenant des membres du Paul Butterfield Blues Band accompagnant Walter Horton. Martin nous a quitté en 2016 à 70 ans alors qu’il participait en France à une exposition sur des livres rares.

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- Kim Simmonds (guitare)
- Martin Stone (guitare)
- Brice Portius (chant)
- Ray Chappell (basse)
- Leo Mannings (batterie)
- Bob Hall (piano 1-8-11)


1. I Ain't Superstitious
2. Let Me Love You Baby
3. Black Night
4. High Rise
5. Rock Me Baby
6. I Smell Trouble
7. Oh! Pretty Woman
8. Little Girl
9. The Doormouse Rides The Rails
10. It's My Own Fault
11. Shake 'em On Down



             



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