Troisième album en trois ans, Luciole est la preuve que pour I MUVRINI, l'inspiration n'est pas prête de se tarir, au moins sur la forme ! Quinze morceaux, soit une durée conséquente, mais qui contient parmi ce que le groupe corse a proposé de meilleur depuis bientôt vingt ans !

"Culomba negra" par exemple et pour pas loin de six minutes, ce sont toutes les qualités de l'époque des 500 choristes, en 2007-2008, ici réunies. Un son ample, une ballade conduite par le piano, la guitare classique et l'orgue, sur laquelle Alain et Jean-François Bernardini se répondent, chorale à l'appui, jusqu'à une envolée pop-rock finale elle aussi de toute beauté.

C'est fort, ça prend au corps et ne nous lâche plus d'un bout à l'autre ! Idem pour "Beauté fatale" qui, malgré un titre français, est chanté entièrement en corse. J'adore cet esprit "à la Curagiu" au début avec le piano et les synthés, le groupe qui rentre petit à petit. C'est le plus beau titre de l'ensemble à mon sens avec "Culomba negra", et du I MUVRINI comme celui-là, j'en redemande !

D'autres moments bénéficient un peu de ce traitement à l'ancienne : le début de "Janna", ou encore le splendide "Bella nice", chant polyphonique complété par des nappes brumeuses, des sons de sitar et un double solo de violoncelle remarquable par Mathilde Sternat. Les interventions de Micky Meinert sont pertinentes, comme le jeu d'Achim Meier couplant piano "normal" et piano Fender Rhodes dans une veine soft, de façon régulière sur ce disque moins "branché" que d'habitude, chose plutôt appréciable !

Il y a encore pas mal de qualités à souligner, "Pè rompe un core", "Sò prigiuneru", un de ces titres mélancoliques dont I MUVRINI a le secret et où la voix d'Alain Bernardini ressort mieux qu'ailleurs, la chorale de "Ton plus beau jour n'est pas encore venu", la mélodie et l'ambiance globale de "Ùn sò ancu morta", plaidoyer pour une langue corse heureusement toujours vivante... La participation de la chanteuse syrienne Lena CHAMAMYAN sur "Madre" avec les réponses de Jean-François Bernardini et des autres voix masculines fait son effet elle aussi !

Malgré tout, il reste le problème actuel d'un groupe qui allonge la durée de ses disques alors qu'il est prolifique, qui a toujours tendance à "vouloir dire quelque chose" et l'envie de sonner universel coûte que coûte à travers les préoccupations socio-politiques et, de plus, le fait en français pratiquement plus qu'en corse. C'est une marque de fabrique, certes, l'Italien ZUCCHERO fait la même chose à sa manière depuis longtemps, en mêlant plusieurs langues dans son chant.

Dès le premier titre, on peut faire ce constat, puis sur "Alep", le pourtant mignon "L'amore di a to vità", "Janna" qu'on aurait imaginé meilleur entièrement en corse... Même la chanson pour enfants de rigueur, "Ses enfants", qui rappelle d'ailleurs fortement "U ponte biancu" de l'album À L'Encre Rouge (1986). Nul doute que ces morceaux "conscients-ouverts-universels" ont leur public, sans cela I MUVRINI n'en ferait pas !

Un mystère demeure : Loïc Taillebrest est crédité, mais on l'entend moins que jamais. Si on l'entend !