WILD NOTHING avec Life Of Pause en 2016 tenta le grand écart artistique, le virage à 180 degrés. Pour les fidèles de ce projet emmené par le Virginien Jack Tatum, le moins que l'on puisse dire, c'est que la surprise contenue par ce troisième album fut un peu déroutante, à défaut d'être réellement de taille. On savait bien que depuis Empty Estate (2013), l'aventureux sept titres, l'Américain pouvait avoir d'autres ambitions que celles de placer ses pas affirmés dans ceux des SMITHS ou des CURE. Tatum avait assurément des envies d'ailleurs. Ce sera chose faite avec ces onze morceaux.

A travers ces quarante minutes, le leader nous expose avec son habituelle dextérité un bel album renouvelé de pop travaillée. Elle rappellera sans conteste les structures complexes et un poil alambiquées des chansons de TALK TALK ou de PREFAB SPROUT. Le discret Américain doit quand même bien avoir le spleen. Lorsqu'on voit les influences qui l'animent, il n'est définitivement pas né en effet du bon côté de l’Atlantique. La seule concession à cet amour durable pour l'Angleterre demeure l'introductif « Reichpop » qui se veut un hommage au compositeur new-yorkais Steve REICH. Les marimbas et xylophone donnent un côté totalement inattendu tandis que les sonorités usuelles de guitare sont là pour nous rassurer quand même. Le changement doit se faire en douceur.

De changement, il en est indubitablement question à travers les cinq minutes du dansant « Lady Blue ». Les chœurs sucrés et les claviers sirupeux semblent tout droit sortis du cerveau de Paddy MCALOON. Il n'est pas question de voitures ni de filles cette fois-ci mais d'attente amoureuse. L'amour, toujours l'amour, comme avec le langoureux « A Woman's Window » où l'on apprend que si le Virginien ne croit pas au paradis, il croit aux femmes. Qu'il est loin le temps des envolées mélancoliques, celles qui ont fait la réputation solide de WILD NOTHING dans le monde de la dream pop ! Je me souviens d'avoir été «déstabilisé» lors des premières écoutes. Où étaient passés son spleen d’éther et ses envolées graciles ? Les vieilles habitudes ne peuvent pas néanmoins s'estomper du jour au lendemain.

Le léger et toutes guitares en avant « Japanese Alice » rappelle en effet opportunément le jeu virevoltant de Johnny MARR. C'est sans aucun doute le seul clin d’œil au passé pas si lointain. Ce sont les claviers de "Life Of Pause" qui dominent dorénavant l'espace, selon le désir de Tatum revêtant un aspect bien plus organique que celui des précédentes galettes. Il en découle somme toute une audace plus grand, voire «expérimentale». A ce titre, « Love Underneath My Thumb » est une petite merveille. Ce morceau teinté de psychédélisme fleure bon les 70's avec ses claviers spatiaux. Toutes les qualités de songwriting de l'Américain s'exposent dans cet espace feutré. Pour peu, Tatum se transformerait en George HARRISON (l'excellent «Ador»). De douceur, il en est également question avec le très lounge « Whenever I » et son saxo nonchalant. C'est une invitation tentante au lâcher-prise.

Life Of Pause a le bon goût de la surprise, voire celui de l'amour retenu du risque. Même si WILD NOTHING s'aventure sur des chemins de traverse qui finissent parfois en cul-de-sac, ce n'est pas bien grave. La promenade demeure quand même bien plaisante.