Join The Army à la belle pochette emblématique est le deuxième album de SUICIDAL TENDENCIES. Un disque qui a peiné à sortir, son devancier datant de 1983. Entre temps, le line-up du groupe a profondément changé, notamment avec l’intégration des membres historiques de SUICIDAL, le batteur R.J. Herrera et le guitariste Rocky George.

Même si, notamment du fait de l’arrivée de ce dernier, le groupe entame sa mue qui va l’amener du Punk Hardcore vers le Thrash Metal, Join The Army est encore solidement ancré dans les racines Punk du groupe.
Mais, dès l’ultra véloce "Suicidal Maniac", on sent déjà frémir cette insidieuse évolution : la structure du morceau est clairement Hardcore, mais le solo de guitare annonce déjà une attirance vers des univers plus Heavy.

Une tendance que l’on peut également retrouver sur "Join The Army", titre duquel Rocky George n’a pourtant pas pris part à l’écriture. Les chœurs et le refrain sont typiquement Hardcore Punk alors que les parties de guitares (aussi bien rythmiques que solistes) fleurent bon le Thrash.
Avec "Looking in Your Eyes", on lorgne même vers le IRON MAIDEN des débuts, époque où, notamment du fait du chant de Paul DI’ANNO, le groupe, pourtant foncièrement Heavy, était parfois assimilé à la scène Punk.

On peut également noter la montée en puissance d’une basse bien groovy, une des futures signatures du groupe, et par exemple très présente sur "War Inside My Head", à juste titre, un des grands classiques de SUICIDAL. Ce morceau hyper dynamique donne lieu, depuis des années, à de furieuses interprétations live qui permettent aux musiciens de faire étalage de leurs talents. Pour la petite histoire, ce titre a été co-écrit par Jon Nelson (l’éphémère prédécesseur de Rocky George) qui a troqué ses droits sur ce morceau contre une guitare Flying V après avoir quitté le groupe.

Les morceaux ultra-rapides sont légion, à l’image d’un "I Feel Your Pain" dans lequel Rocky George nous gratifie d’un magnifique solo et de riffs Thrash ravageurs. Cette sensibilité Thrash est également très perceptible sur "Human Guinea Pig" et dans une moindre mesure sur "A Little Each Day", du fait de la couleur très groovy apportée par la basse.

Comme toujours chez SUICIDAL TENDENCIES, le chant est une légère énigme. Mike MUIR ne possède pas à proprement parler une voix très puissante, ni particulièrement typique. Et pourtant, ses vocaux possèdent un petit charme difficilement analysable et compréhensible qui font que le bonhomme incarne l’identité musicale du groupe (dont il est depuis longtemps le seul membre originel). Mais il n’en reste pas moins que parfois on frôle un amateurisme qui sent bon le Punk décomplexé. C’est notamment le cas de "Two Wrongs Don't Make a Right".

Si le disque comprend bon nombre de morceaux très accrocheurs et efficaces, on ne peut cependant pas dire que toutes les compositions ont le profil de standard. Parfois, elles tournent un peu en rond, peinant à se montrer originales et efficaces. C’est ainsi le cas du dispensable "The Prisoner", ou bien du brouillon "No Name, No Words".

Parmi les autres éléments perfectibles, on peut citer la batterie qui n’arrive pas encore à s’imposer comme un éléments distinctif et décisif, hésitant entre la fraicheur et simplicité du Punk et la puissance et lourdeur du Thrash. Il suffit d’écouter le côté mécanique de la prestation de R.J. Herrera sur "I Feel Your Pain" pour se convaincre qu’il y a là matière à progression.

C’est également le cas du son qui se montre un peu brouillon, ce qui ne permet pas aux compositions d’être présentées sous leurs meilleurs apparats. Mais il faut reconnaître que dans une optique Punk DIY, cela n’est pas un problème majeur. Un peu improprement affublé de l’étiquette Crossover, cet album possède les charmes et les défauts de sa jeunesse. On se délecte tout à la fois d’écouter ce jeune groupe à la détermination et à la la fougue sans faille, tout en ne pouvant que constater combien cette fraicheur et cette spontanéité s’accompagnent encore de petites lacunes et maladresses pouvant aussi bien irriter qu’accroître le côté attachant et charmeur de SUICIDAL TENDENCIES.

Quoiqu’il en soit, ce sera un tremplin pour le groupe, qui, notamment grâce à la diffusion du vidéo clip supportant "Possessed To Skate", accroîtra sa renommée et les fera remarquer par Mark Dodson, alors Producteur d’ANTHRAX. Celui-ci les fera signer par une filiale d’Epic Records, leur ouvrant par la même les portes d’un futur succès. Mais ça, c’est une autre histoire.

Join The Army est un album culte pour beaucoup, et un brouillon sympathique pour d’autres. Dans tous les cas, il symbolise la fin de la période d’innocence d’un futur grand de la scène Thrash.