Il s'en est passé des choses en deux ans, et nul besoin de toujours rappeler lesquelles. Cécile CORBEL, voyant ses possibilités de concerts réduites comme tant d'autres musiciens, enregistre un nouvel album avec les moyens du bord, mais prend également le temps d'écrire, de peindre. En cette fin d'année 2021, elle nous offre ce superbe volume 5 de la série Songbook, débutée en 2006 et interrompue en 2013, le grand-oeuvre de sa carrière si l'on excepte la popularité que lui a apportée sa collaboration avec Ghibli, les studios japonais d'animation.

Notes, ainsi sobrement et joliment intitulé, sous un format menu mais souple comme un cahier et agréable au toucher, est une réunion des divers travaux de cette période ou laissés inédits jusqu'alors. C'est notamment le cas des poèmes qui n'ont pu trouver leur mélodie. Surtout, nous découvrons la facette aquarelliste de Cécile CORBEL, tellement plaisante et riche de ses impressions en Extrême-Orient (Japon, Chine) comme en Bretagne, que l'achat vaut le détour, même si l'on n'a pas encore écouté une seule note !

Si l'enfance, la féérie demeurent les caractères principaux de l'artiste en musique, ce disque possède le goût singulier de l'album 'à la maison', mieux que jamais. Les chansons co-écrites par CORBEL et Simon Caby sont aussi la plupart du temps leur fait propre et commun en termes d'enregistrements. Un son 'demo' pour parler vulgairement, artisanal dans l'idée où on apprécie nécessairement, permet à cette musique d'être abordée sous un nouvel angle, plus 'ouvragé', improvisé.

La musicienne et le musicien chantent parfois ensemble ("Dis aux oiseaux"), mais surtout ils bidouillent, usent de claviers et machines pour donner une texture étrange, industrielle dans certaines rythmiques programmées, aux chansons plutôt enfantines, à la suavité et aux valses langoureuses que l'on aime tant retrouver chez Cécile CORBEL. Est-ce antinomique ? Pas pour autant. Une autre approche, simplement, et bourrée de charmes si l'on passe le cap du son aride et un rien exigeant pour les amateurs de réalisations clinquantes.

Prenons le cas de "Décembre" avec son faut départ 'dance', calé entre un début de ballade classique planante et une envolée avec programmation massive, uilleann pipes. Sur "Ils cassent le monde" (emprunt de texte désinvolte à Boris VIAN, une manière pour la bonne fée de renverser son image là encore !), ou plus loin sur "Le mur est tombé", on peut entendre de vraies chansons aventureuses, enrichies par la présence d'un faux bagad. Sur ce dernier morceau, les sons de synthés-trompettes ne sont pas sans rappeler celles utilisées sur l'excellent album Legend de CLANNAD (1984), l'immense famille irlandaise qui s'inspirait alors de Robin des Bois, de la forêt de Sherwood.

Cependant, ce sont toujours la voix de Cécile CORBEL (bien qu'un peu lointaine parfois, comme sur "Older", tel un esprit promeneur au fond des bois), ses arpèges de harpe délicats, quand ce n'est pas le piano de Simon Caby (au début du disque), qui demeurent au centre de l'attention. Le violoncelle de Julien Grattard, les instruments à vent de Cyrille Bonneau demeurent parmi les composantes habituelles et réelles.

La mélancolie d'un texte comme "La poussière de l'air" sur l'absence d'un être aimé, la chaleur rassurante des bras implorée sur "L'orage", nous rappellent au bon souvenir des douces sucreries passées et tant adulées. "Adieu les roses", pas si funeste que cela, évoque la possibilité de se retrouver un jour ; superbe chanson intimiste où les cordes sont tout aussi enivrantes.

Entre "Morgane et le Cerf" et "Valse sur un banc", l'identité la plus accessible de Cécile CORBEL vient rassurer celles et ceux qui, éventuellement, se seraient perdus. Néanmoins, on ne peut que saluer l'audace d'un tel disque, et l'invitation 'à volonté' de découvrir, redécouvrir ces bijoux hors des sentiers battus. L'objet, de plus et encore une fois, est une merveille, arrivée à point nommé pour cet automne. Un superbe cadeau à faire ou se faire !