Début 2021, alors que Medecine at Midnight venait d’être livré sur les étagères des entrepôts d’Amazon, les FOO FIGHTERS étaient invités à l’émission de James Corden, The Late Late Show. Enfin invités… Comme nous tous, ils étaient chez eux assis sur le canapé, comme une belle Photo de famille, et répondaient par écrans interposés. James Corden leur fit remarquer la longueur exceptionnelle de leurs concerts, à l’époque où ils avaient encore lieu. Il leur demanda alors pour plaisanter combien d’heures ils comptaient jouer par soir dès que l’occasion leur serait donnée. Et Dave Grohl de répondre nonchalamment 7 à 9h de moyenne. On aurait presque envie de le croire, tellement la frustration du généreux frontman de ne plus pouvoir faire la fête était palpable.

Vous aussi, vous avez envie de faire la fête, n’est-ce pas ? Le message de Medecine at Midnight était bien celui-là, faire la fête en guise de médicament, histoire d’oublier, un peu, les tracas de notre quotidien. Sauf que ce Party Album, enregistré entre Octobre 2019 et février 2020, s’est retrouvé bien malgré lui au contretemps de son époque. Car faire la fête ces deux dernières années, c’est devenu bien compliqué. Ouais, la pandémie… Bonjour l’angoisse. Mais contrairement à d’autres, Suivez mon regard (1), Dave Grohl et sa bande ont eu quelques Etats d'âme et se sont dit que sortir l’album, même sans tournée planifiée, permettrait de soulager quelque peu nos âmes isolées. L’album est donc finalement sorti le 5 février 2021, quelques jours à peine après le décès de Jean-Pierre Bacri.

Pourquoi vous caser cet excellent acteur, ce râleur par excellence auquel on a tant de facilités à s'identifier, dans cette chronique ? Parce que la fête de Medecine at Midnight a des allures de discussions à l’écart, comme dans Cuisine et dépendance. Je lui trouve même un Air de Famille avec cette scène inoubliable de Comme une image, où Jean-Pierre Bacri critiquait depuis son canapé une parodie manifeste d’émission de Thierry Ardisson, un jet-setter compulsif. Bref, Medecine at Midnight, a certes un parfum de fête, mais très contrariée…

Il faut voir les clips des trois premiers singles : Shame Shame, No Son of Mine et Waiting on a war : du noir et blanc, de la pluie (Parlez-moi de la pluie…), Dave Grohl qui creuse une tombe avec une guitare cassée, un alcoolique, des gamins qui flippent d’une potentielle guerre. On a connu plus festif ! Qu’ils sont loin de cet album, les clips 100% fun où les FOO FIGHTERS parodiaient la pub Mentos et se déguisaient en hôtesses de l’air. Des trois, c’est définitivement l’excellente Waiting on a War, avec ses cordes réconfortantes et sa montée en puissance, qui nous a le plus séduite. Depuis Echoes, Silence, Patience and Grace qui a magnifié la formule, il faut dire, On connait la chanson.

Pourtant, l’idée de fête était bien là. L’album a pris pour point de départ son titre d’ouverture "Making a Fire". On y retrouve en abondance les chœurs féminins communs avec l’album précédent. Greg Kurstin, the bird, est toujours à la production. Inara Georges, the bee, fait donc partie des choristes. La maison ayant accueillit l’enregistrement donnait à la batterie un son particulier, Spooky (effrayant) pour citer Rami Jaffee. Avec ses allures de Gospel et son rythme Funk à la Mickael JACKSON, le point de départ était donné pour un album qui ne ressemblerait pas tout à fait aux autres.

La référence de Dave Grohl en la matière ? Let’s Dance de David BOWIE, un autre Party Album que j’ai donc découvert pour l’occasion, sans préjugé. "Ricochet" ? Une fête qui a parfois tout de la méthode Coué, avouons-le. Omar Hakim, batteur de Let’s Dance, l’album, tape donc sur les fûts de "Medecine at Midnight", le titre, nous offrant une section rythmique remarquable, qui a gardé son 'clic' (2) pour l’occasion. En résulte l’un des titres les plus réussis de cette livrée. Mais lui aussi, derrière son rythme festif, conserve une évidente amertume dans son propos. Même "Cloudspotter" et son rythme Disco (dixit Dave Grohl) peine à nous faire danser...

Dans son ensemble, à l’image de Sonic Highways, Medecine at Midnight est un album que l’on a donc bien eu du mal à comprendre sans sa notice explicative (3). La production est ultra léchée, la variété de rythmes est de mise et on a hâte de voir le film, Peut-être d’horreur, Studio 666 (4), qui s’inspire à l’évidence des sessions d’enregistrement de l’album. Mais contrairement à celles de Concrete and Gold, où les membres du groupe faisaient la fête jusqu’à plus d’heure, le propriétaire de la maison ayant fait office de studio avait exigé d’eux qu’ils quittent les lieux en soirée. On ne peut qu’y voir un avant-goût du résultat de cet album, qui n’a en définitive de festif que l’intention. En témoigne "Chasing Birds", une balade au clip psychédélique, dont les couleurs vives ne peuvent masquer la profonde mélancolie (My heart is six feet underground). Mais dans cette période où, à force de ne plus les voir, on a un peu perdu le Goût des autres, la magnifique envolée finale et lumineuse du titre, celui que l’on vous conseille en premier, nous redonne une lueur d’espoir. Courage à vous tous, Mes meilleurs copains d’Internet. On va bien finir par la refaire, Au bout du compte, cette fichue fête… Même si, Tout de suite maintenant, sur La place publique, Le sens de la fête, c’est avant tout Le bal des casse-pieds.


(1) Oui, c’est à vous que je pense, IRON MAIDEN. Faut dire que Senjustu n’avait pas grand-chose de réconfortant…
(2) Boucle sonore sur boîte à rythme utilisée par les batteurs comme guide, avant qu’ils n’enregistrent les parties de batteries
(3) Une série de commentaires track by track, bien plus digeste et accessible que la série de documentaires de Sonic Highways, est disponible sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=1qYI-RtmYNI&list=PLyjqnQsvvnpJpK91N5BlX-BKjS-WLbo4Q&index=1
(4) https://www.youtube.com/results?search_query=studio+666