Il aura fallut cinq longues années à SINSEMILIA pour pondre un successeur à Debout, les yeux ouverts (2004). Surprenant si on songe que ce dernier contenait ce qui est, à ce jour, leur tube marquant, le morceau qui les a fait connaitre au grand public : Tout le bonheur du monde. Et que l’on peut imaginer que le groupe a subit une amicale pression d’EPIC pour donner une suite rapide à ce coup de maître.

Mais, comme cela était déjà sensible sur Debout, les yeux ouverts, le groupe a pris son temps, a laissé la vie le faire évoluer comme il l’indique dans "Prendre le temps". Le groupe de jeunes exaltés et fonceurs a doucement laissé place à une communauté d’adultes, la plupart parents, dont les préoccupations et la vision de la vie a évolué. Un changement assumé et qui donne même matière à un second titre : le très bon "C’est déjà ça" ("j’ai plus de 30 ans, j’ai des enfants, pas les mêmes rêves qu’avant, pas les mêmes peurs qu’avant, pas la même vie, tout simplement")

Un changement qui se traduit aussi par le renforcement de la tendance déjà perceptible sur Debout, les yeux ouverts, à savoir une ouverture vers d’autres styles musicaux. Cela est évident avec "Le silence", une douce ritournelle très sobre qui n’a plus aucune coloration Reggae. Et c’est également sensible sur "C’est déjà ça" un morceau très surprenant avec son intro Bossa nova qui se poursuit par une ambiance plus intimiste.
Dans les deux cas la réussite est au rendez-vous.

On pourrait également citer "Le dernier concert", un morceau très touchant qui évoque les émotions et les plaisirs récoltés lors des tournées. Très sobre, ce duo piano / chant, était aussi à ranger parmi les moments forts de cet album. Enfin, jusqu’à ce que le groupe le réenregistre en une fabuleuse version pour son coffret
30 ans qui éclipse totalement ce qui peut être à postériori considéré comme une ébauche. Le chant a visiblement également fait l’objet d’une remise en question, comme si SINSEMILIA avait fait sauter les barrières qu’il s’imposait à lui-même. Ainsi, certains textes ne sont pas chantés mais plutôt récités ("Feu de vie" "C’est déjà ça"). Alors que le très touchant "Réapprendre à se voir" donne l’occasion à Natty (basse) de prouver qu’il possède une belle voix tout en enrichissant le son de SINSEMILIA une nouvelle variété.

Si les engagements politico-sociétal sont toujours présents dans le discours du groupe, ils deviennent minoritaires et laissent de plus en plus la place à des textes qui traitent plus de leur vision de la vie. C’est ainsi le cas de "Prendre le temps", un morceau tout en douceur et en charme, dans lequel les cuivres et la voix de Rike collent à merveille avec le thème. De manière paradoxale, avec un chant assez similaire "Little Child 2" sonne de manière bien plus mielleuse et est, à ce titre, est une des rares déception de cet album (avec "Règlement de comptes", un morceau bien trop court et mal dégrossit pour convaincre).

Mais cela ternit à peine la qualité de ce très bon album qui, comme son prédécesseur, s’il ne possède pas la fougue et la folie des premiers albums de SINSEMILIA, assoit celui-ci comme un groupe qui est parvenu à élargir sa palette d’expression et à diversifier son propos avec pertinence et classe.