Ah les gars, vous avez pas connu l’année 82 ? Bah, c’est une catastrophe ! Comment faire pour vous expliquer les sentiments aigus qui pouvaient partir d’un coup d’un seul à la simple écoute d’un titre à la radio ? Y'a pas ! Ou alors il faut que vous fassiez l’expérience tout seul comme un grand : positionnez-vous un des flambards de cette année si riche, hop il y en a des dizaines, allez vous allez trouver. Et si vous trouvez pas, suivez cette kro, je vous aide ! Au départ à Montreal, le trio de frangins désoeuvré et révolté des Doroschuk qui préfère le look au confort et choisit de ne pas porter de bonnet lors des longs hivers glacés du coin, d’où leur nom. Du punk de leurs débuts en 78, il ne reste plus que la guitare de Colin D., leurs influences : OMD, Gary NUMAN et ULTRAVOX, ça va être cool ! Le chanteur claviériste Ivan D. est à la baguette, le patron de ce premier opus.

Le psychiatrique est bien le créneau de nos amis sans chapeaux, et voici donc les grands collègues d’O.M.D outre Atlantique pour sûr ! Le premier single "I Like" est donc dans cette vibration, mais n’atteint nullement au classique. On apprécie les efforts de la guitare pour exister cependant ! Mais classique il y a, messieurs-dames, le voilà : le single suivant ! Le troisième d’abord, faites pas la gueule ! Et puisqu’on cause d’O.M.D, je vous propose de suite ce "I Got The Message", qu’on croirait tiré des œuvres complètes d’Andy McClusky, sans blagues ! Et Ivan repart sur du français sur le bridge, quel coquin ! On sautille dans tous les sens sur le dernier "Living In China" à la guitare bien présente qui sonne toujours un peu post-punk. La mélodie au synthé ne fait cependant pas de cadeau et Ivan doit aligner un chant pressé peu judicieux, vu la teneur de sa voix grave. Mais le refrain se laisse bien apprivoiser.

Le deuxième ? "The Safety Dance" est donc l’ostie de cette livraison ! Car il y a du sacré là-dedans, les enfants ! De la joie, de la bonne humeur, de la superficialité comme s’il en pleuvait, jusqu’à cette vidéo démoniaque ultra addictive où jongleurs, nains et fous s’alignent autour d’une fête de village médiévale qu’on aimerait y être tellement ça a l’air bien. Ivan avait dû fumer ou boire quelque chose de très spécial pour pondre cette ode à la folie furieuse. Ce beat de synthé, une fois écouté, ne vous lâchera plus jamais, demandez donc à vos vieux s’ils connaissent allez, toute ma génération a dansé bras-dessus bras-dessous la "Safety Dance" lors des fêtes de l’après-midi. Un instant de pure magie réveillée, une merveille de la synth pop, à écouter à fond en boucle pendant quelques heures, faites l’expérience !

"Ban The Game" est la charmante petite intro, puis on entend un autre essai d’Ivan pour donner une ambiance frenchy à sa musique, et cela nous donne la tentative qu’est "Cocoricci", un petit accent pour Ivan, dont l’angalis reste la langue initiale, les choristes sont de langue hexagonale pas de doutes, et les maraccas ne donnent pas suffisamment pour sonner tango pour autant. On est très très pressé sur "Ideas For Walls", qui reprend les grands trademarks de la synth-pop de base, claviers devant la guitare et quelques aspects encore pop qui s’entrechoquent dans cette mixture pas désagréable, avec des oh oh oh finalement très new wave ! "Things In My Life" est une petite ritournelle peu dynamique, mais les synthés ne sont pas cheap pour autant, comme souvent avec le groupe. Le ton plus posé et froid de "The Great Ones Remember" me semble bien efficace. La manière robotique qu’a choisie le chanteur pour déclamer son texte représente à lui seul un joli symbole de la new-wave de seconde génération. Et ce petit bridge ska, c’est presque drôle non, avec ce synthé pompier ! Joué deux fois lors du disque – on se foule pas trop -, cette petite mélodie jouée au bontempi, gimmick d’une génération entière de cheveux brushés, c’est comme ça !

Un bref instantané de l’année 82 d’un seul coup d’un seul, c’est perturbant comme ça avec tous ces synthés criards qui s’échappent de partout non ? Pourtant, les MEN WITHOUT HATS ont rempli leur part du contrat en livrant au monde un des chefs-d’oeuvre de la synth-pop avec cette fameuse "Safety Dance" dont on ne peut nier l’efficacité. Pour le reste, de la synth-pop de bon aloi, parfois saupoudrée d’une guitare aux élans punky un peu oubliés. On retient aussi la belle voix de baryton de Ivan Doroschuk qui reste à jamais l’âme de ce groupe aussi important qu’oublié, quel scandale ! Un trois bien équilibré, mais un classique intemporel.