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BALDOCASTER - Cult Of Saturn (2021)
Par CHIPSTOUILLE le 8 Juillet 2022          Consultée 659 fois

Dans la mythologie romaine, Saturne était le père de Jupiter, dieu des Saturnales, soit la période célébrant le solstice d’hiver et plus globalement le mois de Décembre. Par association au Chronos grec, il est devenu le dieu du temps et de la mort. Son père Titan lui avait offert le trône à condition qu’il se débarrasse de sa progéniture. Voilà pourquoi Saturne mangeait ses enfants. Jupiter, l'un de ses fils lui ayant réchappé, a fini par faire le ménage. En conséquence, Saturne a donc été condamné à vivre une vie de mortel. On le représentait comme un vieil homme courbé, vêtu d’un linceul lui recouvrant la tête, empoignant une faux.

Mais c’est de la planète dont il est question sur cet E.P de BALDOCASTER. Une planète géante, dans l’ombre de Jupiter, bien que ses anneaux gigantesques la rendent particulièrement remarquable. Galilée les avait observés, tels deux protubérances, sans parvenir à comprendre de quoi il s’agissait. Au fil des années, ceux-ci finirent par disparaître dans sa lunette. La Terre était alors alignée dans le même plan que les anneaux. Galilée les a même décrits comme des oreilles géantes. Les oreilles d’un dieu qui nous écouterait depuis l'espace.

De la poussière glacée, voilà ce qui constitue pourtant ces étranges anneaux qui semblent figés dans le silence des espaces infinis. De la poussière, c’est ce que l’on perçoit dès les premières secondes de Cult of Saturn, suite spirituelle de Solare et accessoirement 4ème E.P de BALDOCASTER. D’après l’intéressé, le tout aurait été passé par bande magnétique, ce qui explique cet effet de vieillissement. Cela donne un certain cachet à cet E.P, que l’on retrouve sur l’album Visions, et plus encore sur Ident.

Cult of Saturn fait également suite à la composition fin 2020 de la B.O de Headspace : Guide to Meditation, série documentaire parue sur Netflix en 2021. Une œuvre qui semble aujourd’hui malheureusement indisponible en dehors de son support d’origine. Contrairement à Solare qui était encore hésitant sur la question, et probablement inspiré par l’ambiance méditative de la série précitée, Cult of Saturn embrasse pleinement les longues notes planantes et les réverbérations de l’école de Berlin. La boîte à rythme a presque disparu, et n’apparaît plus que sur 2 des 7 titres : "Escape Attempt" et "Physicality". "At Peace" et "Biding Time" sont quant à elles dotées d’une ligne de synthé faisant encore office de basse. Mais sur l’ensemble de l’album, le poum tchac énergique qui ornemente habituellement la musique de BALDOCASTER, à l’image des « oreilles de Saturne », a pratiquement disparu.

De fait, Cult of Saturn se prolonge dans l’infini de son espace, donnant un E.P court, non dénué d’énergie, mais très planant, plus encore que ne pouvait l’être le maladroit Solare. Cet E.P est en conséquence bien plus homogène en qualité, et il n’y a donc plus de maladresse à déplorer ici. Seule "Escape Attempt", sorte de bouleversement abrupt situé en son sein, surprend réellement par sa production et son rythme. Comme si, au milieu de l’espace, se dressait un artéfact géant au niveau de la ligne d’équateur : des anneaux, ou peut-être même une chaîne de montagnes, à l’image de celle qui caractérise l’étrange satellite bicolore de Saturne : Japet.

BALDOCASTER a depuis ses débuts multiplié les outils, ce qui explique certainement pourquoi le son de Cult of Saturn a un meilleur rendu que celui de ses premières productions. Pour les connaisseurs, vous trouverez donc en sus de l’éternel Roland Juno-60, du Sequential Prophet 5, du Pro 3, du Moog-Verkstatt-01, de l’Ensoniq ESQ-1 et surtout le fameux Yamaha DX7 que tout le monde employait dans les années 80 (2).

En négligeant sa section rythmique, BALDOCASTER s’ampute néanmoins de l’une de ses plus grandes qualités. Cult of Saturn est appréciable, mais il lui manque peut-être un peu de corps pour maintenir notre attention tout au long de ses 14 courtes minutes. On sent bien que l’artiste cherchait à étoffer sa grammaire, et il y parvient avec une certaine réussite. A l’image de Solare et War Rig qui ont accouché du superbe Mirage, Cult of Saturn va inspirer l’excellent 3ème album, Visions. On y a retrouvé ce côté planant et éthéré emprunté à l’école de Berlin, mais qui a été conjugué entre temps, de nouveau, avec les qualités d'une section rythmique travaillée.

Si on a apprécié l’E.P, c’est avant tout – une fois de plus – pour ses vertus narratives. Des recherches récentes affirment que la poussière des anneaux de Saturne proviendrait d’un événement qui aurait eu cours il y a environs 100 millions d’années (soit à l’époque de notre Crétacé). L’événement en question n’est bien sûr pas clairement identifié. Mais, sur cette pochette encore signée par Brouemaster Visual Decay, on retrouve des êtres drapés du même linceul que Saturne. Dans leur ciel, on ne trouve pas l’ombre d’un anneau. Ce que l’on devine, en blanc, s’apparente plus à une météorite. A la lecture des titres, c’est à une apocalypse que le champ lexical s’apparente, et avec elle la chute d’une civilisation. BALDOCASTER nous raconterait-il la fin prématurée d’une ancienne lune de Saturne, sur laquelle la vie intelligente serait apparue ? Si tel avait été le cas, nul doute qu’ils auraient vénéré cet astre gigantesque recouvrant une partie de leur voûte céleste. Et si ces anneaux faits de poussière et de glace, n’étaient que les restes d’un satellite autrefois habité, et qui aurait ainsi disparu ?

En 2017, après 20 ans d’exploration spatiale, la sonde Cassini terminait son épopée en se consumant dans l’atmosphère de la géante gazeuse. Grâce à elle, nous savons désormais qu’au pôle nord de Saturne se trouve un bien étrange phénomène. Plusieurs éléments concentriques s’apparentent en effet à une sorte d’œil bleu géant, encadré d’un hexagone couleur ocre (3). Un hexagone dont chaque côté a une taille comparable au diamètre de la Terre. Nul ne sait expliquer aujourd’hui l'origine de cette forme géométrique géante. Faute d’oreilles, Saturne n’écoute donc rien. Au contraire, il semblerait que le dieu du temps et de la mort nous regarde depuis le ciel, depuis l'au-delà.


(1) Si l’on compte Singles et Time Paradox comme tel, et qu’on les compte en suivant l’ordre chronologique de sortie. L’artiste « jetant » une grosse partie de sa production, qui sait combien d’œuvres vont peut-être finir par voir le jour a posteriori ?
(2) Je vous dis ça… je ne connaissais même pas le nom du Yamaha DX7 il y a 3 mois ! Mais d’après certains, il semblerait que ce soit l’un des synthétiseurs les plus prisés. Rendons également à César ce qui lui appartient. La liste des instruments a été identifiée par Andrew Zistler du site NewRetroWave.com, qui a analysé les vidéos postées par BALDOCASTER pour établir cette liste : https://newretrowave.com/2021/03/18/baldocaster-cult-of-saturn/
(3) Un œil géant dans l’espace entouré d’un anneau et d’un hexagone ? Voilà qui me fait étrangement penser à l’ancien logo de la chaîne FR3 et du vaisseau d’Ulysse 31 qui s’en était inspiré !

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- David Paul Hill


1. Fall From Grace
2. Biding Time
3. Escape Attempt
4. Another Failure
5. Physicality
6. Malgam
7. At Peace



             



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