Le nouvel album d'IONA n'en est pas un : pour ce groupe prodigieux qui à l'heure actuelle n'existe plus, il s'agit d'une réédition, après une vingtaine d'années, d'enregistrements inédits incorporés au coffret-collection The River Flows paru à peu près en même temps qu'Open Sky (2000) et les remasterisations des premiers albums.

On a d'abord une suite musicale, bande originale destinée au documentaire sur Snowdonia, région nord-ouest côtière du Pays de Galles, produit par la série BBC Natural World. Déclinée en huit parties, "Snowdonia, Realm of the Ravens" date des années 1993-94, période entre-deux pour IONA avec une formation allant jusqu'à six personnes, même si Michael Haughton n'est présent que sur "Dunes" si l'on s'en tient à l'empreinte du saxophone soprano.

Un fort bel ensemble musical, très contemplatif, avec guitares de Dave Bainbridge plutôt en feedbacks, voix de Joanne Hogg en vocalises, Haughton et Troy Donockley aux whistles, nappes de synthés bien sûr, mais aussi harpes celtiques sur "Realm of the Ravens", "Macha" et "Above the Clouds", extrêmement réussis. Le dialogue entre la guitare électrique et les uilleann pipes/cornemuse irlandaise sur "Dome of Harlech", avec un fond de jig rock (ah, cette basse ou ce Chapman Stick goulus de Nick Beggs !), est saisissant ; de même "Moondawn" pour son effet tribal lent qui s'éclaire peu à peu. "Song of the Waves", avec la cohésion Hogg-violon sur sons 'ambient', évoque déjà les heures les plus belles des albums jumeaux et chefs-d'oeuvre Open Sky et The Circling Hour, à fleur de peau. Il y a également, plus loin, une version piano et paroles de ce morceau, de toute beauté.

Le reste du premier CD se concentre sur des titres restés inédits en studio mais déjà connus par les live des années suivantes, depuis Heaven's Bright Sun (1997) jusqu'au Live in London près d'une décennie plus tard : le traditionnel "I Will Give My Love an Apple" aux superbes envolées, les formidables "Jigs" et ce cher "Castlerigg" dans une nouvelle configuration. Une sélection agréable à laquelle se joignent un doux "Final Journey" ainsi que "Hearthquake", d'abord planant puis marqué par un décollage prog classique, avant le solo de master Troy Donockley aux uilleann pipes.

Comme pour mieux marquer l'occasion d'une fausse nouvelle sortie, IONA joint un deuxième CD mieux concentré sur la période sans Troy, parti pour les contrées metal finlandaises en soutien d'une autre chanteuse enchanteresse. Avec Another Realm, le groupe celte a tenté de continuer son existence, et je confesse que ce disque n'est pas souvent revenu sur la platine depuis dix ans.

C'est pourtant l'occasion rêvée de découvrir certains titres du double effort, "The Anciens Wells", "Foreign Soil", "Another Realm", "Clouds" et "And the Angels Dance" dans leurs premières maquettes, à savoir de très belles versions piano-voix par Joanne Hogg avec son écriture pop-folk, dévote ou non, depuis son studio maison. Juste après chacune, ou au moins une bonne part, on a la version suivante avec Frank Van Essen à la batterie et éventuellement Dave Bainbridge à la guitare. Chose pas toujours utile, concernant le "monitor mix" de "Another Realm" notamment, mais de belle facture dans l'ensemble, même si on a bien moins l'impression d'écouter un effort de groupe que pour le premier CD. Ceci sans compter les pourtant fort belles dix minutes contemplatives de l'inédit "Between Heaven and Earth", avec nappes et low whistle de Martin Nolan en renfort.

Les autres titres inconnus jusqu'alors sont très convaincants, que ce soit l'intimiste "Gotta Lift Our Eyes Up", la ballade étoilée "All That We Ever Dreamed" hantée par la cornemuse, ou encore la démo de "White Horse" qui commence comme les autres démos de Hogg pour laisser finalement entrer la totalité du groupe à la moitié du temps imparti. La discrétion de Bainbridge dans ces raclements de tiroirs n'amène que le très beau "The Crossing", instrumental céleste. Pour dire peut-être aussi combien le temps à passé, que cette sortie en 2020 n'est qu'un simple regard en arrière pour faire plaisir aux fans et que, depuis, chacun a continué son chemin dans différentes directions.

Note réelle : 3,5