BODH’AKTAN est plus qu’un groupe, c’est un dénominateur commun. Depuis 2011, le projet construit autour d’une amitié profonde entre ses contributeurs a vu s’agglomérer des musiciens et artistes venus d’horizons variés (punk, rock, musiques traditionnelles…), pour un résultat frappé du sceau de la réussite : cinq albums studio mêlant avec gourmandise et talent punk, rock et folk celtique, et des tournées couronnées de succès réalisées des deux côtés de l’Atlantique, les séjours européens du groupe ayant d’ailleurs été souvent moteur de son inspiration. Après un album qui, bien que très réussi s’est peut-être avéré moins éclatant (De Temps et de Vent, en 2019), et après avoir souffert d’une mise à l’arrêt de la culture pendant plus d’un an, les six musiciens se sont retrouvés, enfin, en septembre 2021 pour renouer le contact et ajouter une pierre au bel édifice que constitue leur carrière. Le temps d’un weekend, le groupe s’est enfermé dans le studio B-12, situé à Valcourt, entre Montréal et Sherbrooke, pour mettre en boîte une session acoustique.

Si nous aurions adoré que BODH’AKTAN nous offre de nouveaux morceaux, le groupe a préféré prendre le parti de revisiter une partie de son répertoire, en l’occurrence 10 morceaux arrangés pour fonctionner sans distorsion. Bien décidé à renouer avec l’essence organique de sa musique, le groupe a puisé essentiellement dans son deuxième et surtout dans son troisième album (7 titres des 10 présentés ici sont issus de ces deux réalisations), laissant totalement de côté les travaux contenus sur son dernier album en date. Un parti pris artistique qui lui permet de proposer des ambiances variées, dansantes ou plus mélancoliques, qui offrent un bel aperçu de la richesse artistique du groupe.

La captation, audio et vidéo (les images des sessions sont disponibles sur Youtube), est intime et épurée. Comme souvent, le mariage réussi entre l’accordéon et le violon constitue sert de clé de voûte pour construire une musique sautillante et enjouée. Notons d’ailleurs le retour sur ce projet du violoniste Jonathan Moorman, qui n’était pas apparu sur les réalisations récentes du groupe. Il fait bon à l’écoute de "Samedi Soir au fais dodo", hymne à la fête, qui sert ici d’introduction parfaite. L’absence de distorsion nous permet de savourer le talent d’interprétation et la virtuosité des Québécois, qui proposent également des chœurs et harmonies vocales qui prennent une dimension nouvelle à l’aune de ces nouveaux arrangements.

Les titres les plus énergiques sont de prime abord les plus marquants. Il y a ici un véritable plaisir à retrouver "La racaille", un des morceaux emblématiques de l’indispensable deuxième album de la formation, Tant qu’il Restera du Rhum, sans doute son meilleur, et dont est également issu l’hymne "La bouteille est agréable" dont le refrain fédérateur contrebalance la frénésie des couplets. Violon et cornemuse virevoltent ici pour le plus grand plaisir de nos oreilles. "Ici", folk celtique dans la plus pure tradition (agrémenté de flûtes célestes), prend ici une dimension nouvelle, alors que les ballades "La démone", ou "Ça prend par surprise", relativement proches dans l’esprit comme dans l’exécution de leurs versions d’origines, constituent sans doute les interprétations les moins surprenantes.

Se retrouver pour se reconstruire et s’imaginer un avenir, voici sans doute un des objectifs de ce Valcourt Sessions, parenthèse sympathique dans la carrière foisonnante des BODH’AKTAN, devenus en quelques années des incontournables du rock/folk celtique. Les amoureux de la musique du groupe prendront ici plaisir à redécouvrir cette poignée de morceaux emblématiques ou plus obscurs. Bien sûr, nous aurions aimé en entendre plus, chacun ayant naturellement ses morceaux-fétiches (j’avoue avoir espéré une relecture acoustique du flamboyant "The Bridge"), mais réaliser cet album sur deux jours relève tout de même d’une belle performance, qui nous permet de prendre notre mal en patience en attendant la suite des aventures de ce groupe indispensable de la Belle Province. Une appréciable gourmandise.