Edité en 1989 par le label anglais Receiver Records, firme connue pour avoir publié notamment le Live Birmingham 77 de MOTORHEAD ou le Live 77 At Roxy Club des BUZZCOCKS, ce Live At The Venue propose la retranscription sonore d’une chaude soirée avec l’un des groupes parmi les plus emblématiques du Pub Blues.

Petit retour en arrière : fondé en 1977, NINE BELOW ZERO se produit environ 300 fois par an au début des eighties. Le quatuor est réputé pour mettre le feu aux planches dans toutes les salles où il passe, tel Attila envahisseur des royaumes Goths et des Carpates.
On n’est jamais mieux servi que par soi-même, et Dennis Greaves en personne annonce le show qui s’ouvre avec "Tore Down", un véritable ouragan de R&B hyper-punchy à l'harmonica dévastateur qui emmène tout sur son passage. Ce titre va à l’essentiel, à peine 125 secondes. Les quatre musiciens ne sont pas venus pour enfiler des perles mais plutôt pour nous rebooster de notre labeur hebdomadaire.
Au début de leur carrière, NINE BELOW ZERO composait peu, préférant interpréter à sa sauce d’anciens titres piochés dans le Blues, R&B et le Rock, dans une veine Pub Blues ou Pub Rock. Lors de ce show, la formation ne nous balance que trois originaux ♦ : "Straighten Her Out", un Blues dynamique emmené par des riffs de gratte imparables et un harmo en fusion. "My Babe" *, un Blues punchy porté par un harmonica plein de nuances, dans la lignée de Wilko JOHNSON. Dernière compo, "Is That You" est un parfait exemple de Pub Blues bénéficiant d'une rythmique à la Chuck Berry et d'une guitare par moment incandescente.

Les esprits grincheux s’apercevront que dix des quinze reprises figurent dans le fameux Live At The Marquee, autant de doublons qui pourraient rebuter certains aficionados. Signalons que ces redites s’éloignent toutefois des versions du Marquee, ne serait-ce que par le rythme et la durée.
Parmi ces différents doublons, "Homework" se détache résolument de la première version très bluesy d’Otis RUSH. Cette compo d’Al Perkins se voit reprise en version ultra Soul par son créateur. Plus tard, J. GEILS BAND en délivre une version haute en couleur, avant que le titre ne tombe dans les mains de DR. FEELGOOD. Là, le groupe utilise les mêmes ingrédients que la bande à Lee Brilleaux, le public en ébullition reprenant en chœurs certains couplets. 9 BELOW 0 passe à la moulinette "I Can’t Help Myself", compo du trident de la Motown Holland/Dozier/Holland popularisée par les FOUR TOPS et les SUPREMES. Accommodé aux sauces les plus inimaginables : Country (Dolly PARTON, Tommy McLain), Disco (Bonnie Pointer, George McCRAE), Soul (Irma THOMAS), Americana (Jessica Mauboy, Kid Rock), ce standard prend ici une autre dimension, l’harmonica de Mark Feltham nous entraînant dans un furieux tourbillon. Bien évidemment, chez nous, quelques farfelus se livrent à des adaptations discutables : Sylvie Vartan se trémousse comme un lombric avec "Garde-moi dans ta poche" tandis que Claude François ne fait guère mieux avec "L'amour c'est comme ça". Heureusement, le ridicule ne tue pas ! Second emprunt au trident Motown avec "Can I Get A Witness", enregistré par Marvin GAYE sous une forme de guimauve fadasse. Si le titre a fait l’objet d’un paquet de reprises (STONES, Dusty SPRINFIELD, Stevie WONDER, Diana ROSS), là on monte carrément en gamme. Le goût de la guimauve est remplacé par celui d’un bon pudding arrosé de whisky. Justement, en parlant d’alcool, Monty (créateur du hit "Allez les verts") adapta la chanson avec "Un verre de whisky". Autre démonstration d’harmonica avec "Riding On The L & ", une song train imaginée après-guerre par Lionel Hampton ; si John MAYALL, STEAMHAMMER ou les BITANGS le reprenaient avec une certaine verve, là celui qui met le charbon dans la loco, c’est encore Mark Feltham et pour un peu, l’harmoniciste ferait dérailler le cheval de fer.

Profitons de ces modestes lignes pour réparer une erreur de typographie, Receiver a confondu "I Can’t Quit You Baby" avec "Stop Your Naggin’", une compo trépidante de Dennis Greaves qui encore une fois emporte tout sur son passage. Hit mineur d’Hank Ballard, "The Hootchie Cootchie Coo" est l’exemple type de titre capable d’emballer une salle en deux coups de cuillère à pot. L’harmonica de Feltham remplace à lui seul les cuivres de l’original. 9 BELOW 0 enchaîne avec "I’ve Got My Mojo Working", compo de l’acteur Preston Foster offerte à Ann COLE et popularisée par Muddy WATERS. C’est une véritable communion avec le public qui reprend en chœurs certains couplets. Dernier doublon avec "Watch Yourself", parfait prototype d’Harmonica Blues gravé en 1954 par Little WALTER. Si le titre se développe sous forme d’un shuffle, il fait partie des trois titres joués en rappel.

Six autres reprises viennent agrémenter ce concert bourré de bonne énergie. L’excellent "Just A Little Bit" s’articule entre Rockin’ Blues et R&B, titre entraînant aux confins du Boogie. Rendons à César ce qui lui appartient, le titre de Rosco Gordon est accrédité par erreur à Freddie King●. L’harmonica et une rythmique en folie nous plongent en plein Rock'n'Roll avec "Rocket 88", titre du saxophoniste chanteur Jackie Brenston enregistré avec Ike Turner et qualifié par certains chercheurs et journalistes comme le premier Rock'n'Roll enregistré, ce qui est totalement faux. Dans le Rock et le Blues, les influences et certains pompages ont toujours été de mise, "Rocket 88" s’inspire ainsi du "Cadillac Boogie" mis en boîte par Jimmy Liggins en 47 pour le label Specialty. Dennis Greaves et ses potes calment le jeu avec "Stormy Monday", grand succès de T. Bone Walker repris par moult bluesmen. Si le chant est parfois un peu forcé, la guitare se fait incisive tandis que l’harmonica devient vite obsédant. Seconde coquille avec "Treat Her Right", énorme succès de Rot Head & The Traits, remplacé en fait par "Pack Fair & Square" du texan Big Walter Price. Certains verront là un clin d’œil à leurs confrères américains de J. GEILS BAND.
Preuve de la chaude ambiance laissée par le groupe, avec pas moins de trois morceaux interprétés après le rappel : "Keep On Knocking" s’oriente vers une sonorité à la DR. FEELGOOD, un titre énergique mais aussi une autre pomme de discorde puisque le titre est ici accrédité à Richard Penniman (alias Little RICHARD) en lieu et place du jazzman Perry Bradford. Le titre vaut aussi pour cette escarmouche entre la guitare et l’harmonica, Feltham reprenant note pour note le jeu de gratte de son ami et fidèle complice. Le show s’achève sur un énième bémol typographique, "Round And Round" ∆ qui conclut la soirée avec simplicité et entrain.

A toute fin utile, la version vinyle contient deux titres de moins, à cause d’un problème de compression. Cet excellent Live laisse cependant un moins bon souvenir que l’impayable Live At The Marquee. La restitution sonore demeure un ton inférieure et le label propose de petits bémols qui impactent forcément sur le recueil. Autre ressentiment, le Venue (devenu depuis une discothèque) n’offre pas le même décor ni la même ambiance que le Marquee. Pour avoir été présent lors de ces deux shows, le ressenti sur place ne produisait, de mémoire, pas le même effet. Enfin, précisons que notre Track List est corrigée.


♦ L’album comprend en réalité 4 originaux, "Stop Your Naggin’" étant oublié dans la Track List.
*Titre homonyme à ceux de Willie DIXON, Ron Holden et The RIGHTEOUS BROTHERS.
● Freddie KING a repris le morceau en 1973 dans l’album Woman Across The River.
∆ Il s’agit en fait du standard "Around And Around" de Chuck BERRY et non de ses presque homonymes des SHADOWS, J.B. Lenoir, AEROSMITH ou NEW ORDER.