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SYNERGY - Sequencer (1976)
Par NANAR le 28 Avril 2023          Consultée 384 fois

Cela peut paraître à la limite choquant, dit comme ça, mais Larry Fast n’est pas réellement un pionnier de la musique électronique. De nombreux groupes de rock ont déjà intégré les synthétiseurs dans leurs effectifs, sans même parler des artistes pop qui les premiers ont dans les années 1960 libéré la musique électronique de l’étroit cercle expérimental, aussi surprenant que cela puisse paraître – cf les albums de Jean-Jacques Perrey et Gershon Kingsley. Dès le début des annes 1970, plusieurs artistes ont consacré leur carrière solo aux expérimentations électroniques, tels les Allemands Klaus SCHULZE et Conrad SCHNITZLER, dans un registre très planant, avant tout centré sur les textures sonores. TANGERINE DREAM et VANGELIS œuvrèrent d’ores et déjà dans des constructions alambiquées avec des instrumentations hybrides mélangeant synthétiseurs et divers autres instruments. Après une première période Krautrock, KRAFTWERK se fit précurseur de l’électro-pop. Larry Fast et David Vorhaus, chacun de leur côté, ouvrirent un nouveau registre de la musique électronique, dans son versant le plus purement synthétique, mélodique et progressif, un an avant Oxygène (1976) de Jean-Michel JARRE.

De retour des sessions de Recycled, enregistré par le groupe NEKTAR au Château d’Hérouville puis aux studios AIR de Londres, Larry Fast embraye rapidement sur la conception d’un nouvel album. Le nouveau projet de SYNERGIE trouve sa genèse en trois morceaux.
Un premier morceau fut ébauché parallèlement aux sessions de NEKTAR au Château d’Hérouville, sur le piano à queue du studio aménagé dans les combles de l’aile nord : "Chateau", titre de travail évidemment inspiré par les lieux. Comme évoqué dans la précédente chronique, une première version de "Classical Gas" a été enregistrée en août 1975 suite à une requête de Passport Records qui souhaitait un morceau de SYNERGIE plus radio-compatible que ceux du premier album. Parmi plusieurs compositions suggérées par le directeur de Passport Records, Larry Fast choisit cette reprise de Mason Williams. Ce fut l’occasion pour lui de se familiariser avec les nouveaux modules du synthétiseur Moog Modular, ainsi que la duophonie.

Cette possibilité de jouer deux notes à la fois offrait évidemment plus de souplesse à l’interprétation mais permettait également d’enrichir considérablement les textures sonores, en superposant deux signaux et en variant leur différence de hauteur, leur forme d’onde, leur intensité. La duophonie nécessitait deux oscillateurs distincts, dont les réglages de la hauteur, l’amplitude, le filtrage et l’oscillation (LFO, Low Frequency Oscillator) s’effectuaient séparément. L’ARP Odyssey (1970) fut le premier synthétiseur duophonique grand public, mais il n’était pas modulaire, les deux oscillateurs étant contrôlés par un seul LFO, et en sortie par des filtrages communs. Mais je digresse.
Cette première version électronique de "Classical Gas", publiée dans un premier temps en 45-tours, était déjà très proche de la version définitive qui paraîtrait en album l’année suivante, seules quelques rythmiques furent ajoutées par la suite. Enfin, également vers l’été 1975, Larry Fast fut sollicité pour réaliser la bande-son d’un planétarium de New-York, le Laserium. Ce projet n’ayant pas abouti, Larry Fast retravailla cette bande-son en l’intégrant à sa composition "Sequence 14". On peut retrouver cette démo en bonus de certaines éditions CD de Sequencer.

L'album se divise grossièrement en trois parties. La première contient trois compositions originales pour un peu moins d’un quart d’heure, dans la continuité stylistique de l’album précédent mais dans un format plus ramassé, avec peut-être aussi un son plus chaleureux. Larry Fast réussit à rendre son propos musical plus concis sans en trahir l’exigence. "S-Scape" est un joli morceau entraînant, bien que peinant à démarrer, avec ce riff mal assuré dont on perçoit facilement les imprécisions. Le morceau suivant, "Chateau", est moins évident avec cette approche classique faussement naïve, manifestée bien sûr avec des sons de cordes, notamment de clavecin, mais qui est heureusement loin d’être un vulgaire pastiche. Deux thèmes s’y alternent, l’un optimiste et précieux, à la limite du kitsch, l’autre éloquent, contemplatif et plus mélancolique. Changement de ton avec "Cybersports". Le titre est pour le moins évocateur et la musique est à l’avenant. Un mélange très réussi de séquençage et de mélodies dramatiques haletantes.

La deuxième partie, composée de trois reprises cumulant dix minutes. "Classical Gas", à nouveau très dense et dynamique, ne se différencie guère de ce qui précède, mis à part le fait que c’est une reprise. J’ai mis plus de temps à admettre les deux morceaux suivants, un extrait de la Symphonie Du Nouveau Monde (1893) d’Antonín DVORAK, et une reprise d’"Icarus", composition de Ralph Towner pour le troisième album Road (1970) de The Winter Consort. Là aussi, Larry Fast arrive assez bien à intégrer ces compositions à la musique de SYNERGIE. Il n’empêche que le contraste est fort entre l’original "Icarus", à l’instrumentation champêtre intemporelle, et son interprétation électronique, beaucoup plus datée. Cette dernière est néanmoins fort intéressante, non seulement dans l’idée d’une adaptation électronique, mais surtout pour le contrepoint qu’y ajoute Larry Fast, superposant l’air du "Largo" de la précitée Symphonie à la mélodie originale d’"Icarus"! Pour l’anecdote, ces deux œuvres (la symphonie et l’album) figurent parmi les enregistrements emportés par Neil Armstrong pour la mission spatiale Apollo 11. Il n’est pas impossible que cette idée ait inspiré Larry Fast dans le choix de ces reprises.

Le sommet de l’album est sans conteste le long final "Sequence 14". Cette composition complexe et mouvementée est, paradoxalement, plus facile à suivre que "Legacy" ou "Warriors", car les contrastes y sont plus évidents. Le thème de départ de "Sequence 14" ressemble d’ailleurs beaucoup à "Warriors", pour son côté solennel. La montée en puissance qui suit est, sérieusement, l’un des plus grand moments de la musique électronique, tous styles confondus. Une séquence de 14 notes, qui sert de fil conducteur au morceau et lui donne son titre, nous entraîne dans une spirale démentielle. Le troisième thème de l’album est un long paysage sonore dévasté, qui laisse peu à peu place à une autre mélodie plus optimiste, en contrepoint, avant une conclusion à nouveau très rapide et tendue. Ce titre fabuleux préfigure beaucoup l’album suivant.
L’écoute de la version démo de ce morceau fait état d’une composition en construction, l’interprétation est bancale – il y a beaucoup de fausses notes dans la montée en tension – et il manque encore plusieurs parties.

Souvent décrit comme plus expérimental que son prédécesseur, je considère au contraire Sequencer comme le plus accessible des albums de SYNERGY. Moins alambiqué que Electronic Realizations, moins sombre et tortueux que Cords, moins démagogique que Games, sans parler des parutions suivantes qui sont assez difficiles à suivre.

3 ¾ sur 5

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- Larry Fast (synthétiseurs moog, séquenceur digital oberheim)


1. S-scape
2. Chateau
3. Cybersports
4. Classical Gas
5. Largo, New World Symphony
6. Icarus
7. Sequence 14



             



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