Nous voici au premier véritable album de SYNERGY depuis 1981, egalement à son dernier véritable album. Metropolitan Suite est publié début 1987 sur Audion Co., filiale de Passport Records fondée en 1986 par Larry Fast lui-même, dédiée aux musiques électroniques et vouée à en promouvoir les musiciens, tels Wendy CARLOS (Beauty In The Beast, 1987), Anthony PHILLIPS (Private Parts And Pieces VII: Slow Waves, Soft Stars, 1987) ou Don SLEPIAN (Reflections, 1986).

Survolons la structure de l’album, du moins sa version CD, la plus complète. La suite-titre occupe les cinq premières pistes, puis nous trouvons trois autres compositions d’en moyenne huit minutes, qui mènent alors au morceau final, "Redstone", auparavant publié en maxi 45-tours en 1986. La "Metropolitan Suite" est d’inspiration classique et les morceaux suivants marquent le retour graduel d’un style de composition moderne, jusqu’à la synth-pop du maxi-single conclusif.
Larry Fast affirme avoir tiré son inspiration de l’œuvre de George GERSHWIN (1898-1937), pianiste et compositeur américain de musique dite classique, ayant beaucoup écrit pour l’orchestre mais aussi pour de nombreuses comédies musicales. La musique de George GERSHWIN est à ce titre reconnue aux États-Unis comme ailleurs comme l’un des plus grands médiums entre la composition savante et la musique populaire.

Metropolitan Suite est ensuite l’occasion pour Larry Fast de se tenir à jour technologiquement, avec l’arrivée du séquençage informatisé, de l’enregistrement digital et d’une nouvelle génération de synthétiseurs numériques, dont nous pouvons régulièrement reconnaître des sons d’usine, en particulier les émulations de timbales, de cordes et de basse slappée du Yamaha DX7 et les cuivres de l’Emulator II.

Musicalement, qu’est-ce que ça vaut? Globalement, la suite-titre et "Into The Abyss" constituent le plus grand intérêt de l’album. "North River" est une brève ouverture assez neutre et solennelle. "Steam And Steel Towers" est un enchaînement de phrases musicales très scandées, très percussives, dont la pulsation évoque des cités industrielles et industrieuses, où les nappes de cordes et de cuivres semblent ne pas trouver de point stable. Une transition optimiste surgit à la quatrième minute avant d’amener vers un très beau second thème plus contemplatif où les nappes prennent le dessus, en écho à "North River". La transition centrale revient avant une ultime exposition du premier thème. Alternant modes mineur et majeur, déchiré entre saillies percussives et harmonies cuivrées, le thème principal du sombre "The City Goes To War" illustre davantage la traversée des convois militaires que le champ de bataille. Très proche de "Launch At Dawn", ce thème se voit réexposé en conclusion sans ses développements. Au milieu, le second thème est étonnament léger dans cette fresque martiale, comme un retour à la ville où malgré tout la vie continue.

Les deux derniers mouvements accomplissent de nombreux rappels de thèmes des trois premiers, à l’instar de la suite "Delta Three" (1979). "Metropolitan Theme (Main Theme)" est un développement du second thème de "The City Goes To War". "The End Of An Era" fait office de conclusion, déconstruisant et réassemblant le thème principal de "Steam And Steel Towers" et des réexpositions de "North River" et "Metropolitan Theme". Cette "Metropolitan Suite" est remarquable d’homogénéité musicale et sonore, et les émulations orchestrales numériques sont plutôt crédibles. Il en est de même d' "Into The Abyss", plus mémorable morceau de l’album, véritable séquelle de "Metropolitan Suite". Trois thèmes distincts s’y enchaînent d’abord; si les deux premiers thèmes sont assez sereins, le troisième est ravageur, irrésistible et délicieusement rythmé. Une brève citation de "Metropolitan Theme" précède un retour des deux premiers thèmes avec de nouveaux développements.

Les trois derniers morceaux, moins musicalement riches, révèlent le problème de cet album : SYNERGY use et abuse des sons d’usine, tout en émulations d’orchestre, et en perd sur le coup une partie de sa substance et de son originalité. La recherche sonore électronique fut aussi importante que les compositions dans la réussite artistique des premiers albums de SYNERGY. La contrainte technique était alors un moteur de création. Audion (1981) pointait déjà le problème avec ses fausses guitares criardes et ses cordes tout droit sorties du Prophet 5. Beaucoup d’autres compositeurs de musique électronique se sont laissés aller à cette facilité des émulations sonores prêtes à l’usage, tels Jean-Michel JARRE avec le catastrophique Rendez-Vous (1986), VANGELIS avec le banal Direct (1988) ou KRAFTWERK et leur bancal Electric Café (1986).

De ce côté-là, Larry Fast s’en sort bien tant qu’il compense avec la composition. Ça se gâte franchement à partir de "Prairie Light", sorte de power ballad où la guitare électronique et les sons orchestraux sonnent creux. C’est pire encore avec "West Side Nights" qui s’avère vite insupportable avec un faux saxophone assez hideux, qui sévissait déjà sur "The City Goes To War". Voilà deux compositions décevantes pour un quart d’heure d’ennui. Tentative de SYNERGY de faire un single radio-compatible à la mode, le conclusif "Redstone" a au moins le mérite d’être court et entraînant.

Après Metropolitan Suite, Larry Fast enchaînera les tournées et sessions de studio, mais SYNERGY plongera alors dans un silence quasi complet. On peut toutefois mentionner le morceau "Moon Caves", enregistré au début des années 1990 et publié en 1999 sur l’album collectif Music For The Third Millenium (1999) du label Amp, sur lequel figurent également Keith EMERSON, WHITE NOISE et Patrick MORAZ.