AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

The Jupiter Menace est un film réalisé par Lee Auberbach et Peter Matulavitch et publié en 1982. Bien que le titre et l’affiche puissent évoquer un film de science-fiction, il s’agit d’un documentaire scientifique ou prétendu tel, relatant la théorie selon laquelle la Terre serait sinistrée par son interaction avec la planète Jupiter à la fin de l’année 1982, provoquant la fin de l’Humanité. La lecture des commentaires au sujet du film sur l’Internet Movie Database fait état d’un film véhiculant des thèses catastrophistes, mêlant douteusement références religieuses et observations scientifiques. On se souviendra très probablement de The Jupiter Menace comme de la première expérience cinématographique de Larry Fast.

Parlons donc de la bande originale de ce 'documentaire'. Pour illustrer leur œuvre, les producteurs du film ont contacté le label Passport Records pour utiliser des extraits d’albums de SYNERGY. Ils avaient également eu l’intention d’utiliser la composition "Mars : The Bringer Of War" de Gustav HOLST, mais n’en obtinrent pas la permission. Les compositions de Larry Fast étant souvent longues, il était difficile de les utiliser telles quelles dans un film. SYNERGY fut donc amené à proposer du matériel musical sur mesure pour ce projet.
En vérité, tout n’est pas original dans cette bande, d’anciens morceaux de SYNERGY ayant été piochés à droite à gauche pour étoffer le tout. Ainsi, plusieurs sont repris tels quels : "Trellis" (1978) devient "End Titles", "Flight Of The Looking Glass" est reintitulé "Cities On The Brink". D’autres extraits se trouvent sabrés : on retrouve le début de "Warriors" (1975) enchaîné avec "The Prophecy Fulfilled", ainsi que deux extraits de Delta Three (1979) enchaînés entre eux sous les titres "Solar Observatory" et "San Francisco 1906". "The Plunge / Earthquake Simulation" recycle les deux passages les plus intenses de "Sequence 14" (1976), avec juste quelques effets sonores supplémentaires pour "The Plunge". C’est près d’un tiers de l’album que nous pouvons d’emblée verser au rebut, n’étant qu’une redite pure et simple. Cette filouterie n’est pas sans rappeler le cas Aguirre (1976), première bande originale de POPOL VUH.

Le reste se partage entre brefs morceaux d’ambiance et véritables compositions. Ces dernières ne sont qu’au nombre de trois. Évacuons d’emblée le morceau-titre qui n’est qu’une pitoyable resucée de "Mars: The Bringer Of War". Comment le grand Larry Fast a-t-il pu s’abondonner à une telle facilité? Ou bien s’agit-il d’une commande des producteurs? Toujours est-il que le résultat est lamentable.
Bien plus intéressants sont les deux autres morceaux. Du haut de ses deux minutes, "Pueblo Bonito" est un magnifique thème contemplatif et planant. "Earth In Space" se situe quant à lui dans la lignée du versant néo-classique de l’album Audion (1981), avec plus de 'gniaque'. Et c’est vraiment cool à entendre. Ce morceau est le plus captivant de l’album, et on peut le retrouver sur la compilation Semi-Conductor (1984). Ouf, pas besoin de se farcir tout The Jupiter Menace pour profiter de "Earth In Space".

Pour le reste, faute de grives, on mange des merles. Ou faute de merles, on mange des pigeons, à ce stade-là. Bon, allons-y par le menu alors, nous n’avons plus que ça à faire au point où on en est.
"The Alignment" est une mélodie solennelle et grandiloquente de moins d’une minute. "Alien Earth" (quel est le sens de ce titre, à part verser dans la S.F. bidon?) commence sur un semblant de mélodie avant de bifurquer sur un sombre et prenant pattern rythmique bardé d’effets sonores évocateurs. "Rampage Of The Elements" débute un thème dramatique tout synergiesque qui n’aurait pas dépareillé sur Cords (1978) avant d’assurer la transition vers le morceau-titre que nous avons déjà débunké plus haut. Un début d’album pas mauvais en vérité, assez efficace, mais ces morceaux sont bien trop courts et restent malheureusement anecdotiques.
Le reste n’est pas beaucoup plus mémorable, consistant essentiellement en des morceaux d’ambiance assez génériques. La doublette "The Prophecy"/"The Prophecy Fulfilled" tourne à vide, le reste ne va guère beaucoup plus loin: "Ancient Gods", "The Survivalists", "The Mystery Of Piri Reis" et "Return To Admiral Byrd’s Camp" entrent par une oreille et ressortent par l’autre. "The Final Alignment" est une resucée de "The Alignment" donc pareil, dehors.

Comme dit plus haut, seuls "Pueblo Bonito" et "Earth in Space" méritent d’être sauvés de ce marasme. Ces deux titres-là auraient donné un sacré coup de boost à Audion.
En bref, The Jupiter Menace est le premier échec artistique de Larry Fast. Pour sa défense, il faut dire qu’il n’était sans aucun doute pas aidé par le cahier des charges du projet. Un film prophétique plus fumeux que le pot d’échappement d’une BMW X5, appelant à des thèmes invariablement sombres et grandiloquents. Heureusement, ce disque est classé en B.O de film et non en tant qu’album à part entière.