Reconstructed Artifacts fait suite au premier concert de SYNERGY, à la neuvième édition de l’Alfa Centauri Festival de Bussum aux Pays-Bas en 2002. Cet album de réinterprétations d’anciens titres, qui devait se limiter au fan-club de SYNERGY, a finalement été largement diffusé l'année suivante, sur le label Voiceprint.
Le programme proposé laisse songeur. Tous les morceaux sont classés par ordre chronologique, ainsi nous nous retrouvons avec vingt premières minutes entièrement consacrées aux deux premiers albums (1975 et 1976), les morceaux restants provenant des albums Audion (1981) et Metropolitan Theme (1987). Ce gros hiatus entre 1976 et 1981 stigmatise l’absence des albums Cords (1978) et Games (1979), deux albums majeurs de SYNERGY – avec les deux premiers, en fait – alors que quatre titres de Metropolitan Suite sont représentés.

Larry Fast affirme avoir voulu reproduire le plus fidèlement possible les sons d’origine avec la nouvelle lutherie électronique informatisée, en premier lieu le Kurzweil K2600. Quelle drôle d’idée, tout de même! Cette démarche est valable dans le cadre d’une performance live (éventuellement publiée en tant qu’album live), mais une réinterprétation en studio aurait nécessité une revisite plus approfondie. Entendre des fausses guitares, des cuivres digitaux ou des imitations de Mellotron est assez consternant de la part de SYNERGY.
Pour le son d’ensemble, ce n’est pas mieux. Tout est nivelé, hermétique, étriqué. Et surtout, où sont les basses? De nombreux passages sont dominés par une accumulation de sons médium voire aigus ce qui, avec ces sonorités digitales monolithiques, est très pénible à la longue. Cela concerne en particulier les morceaux des années 1970, qui perdent par la même occasion leur spontanéité et leur substance analogique.

Comme attendu, l’attrait de ces réarrangements réside dans les rares prises de liberté que s’autorise Larry Fast. On peut relever dans la nouvelle version de "S-Scape" une modification (volontaire ou non?) de certaines tournures mélodiques. "Ancestors" est également un cas intéressant, où les arrangements numériques proposent une nouvelle perspective sur la composition. Enfin, j’apprécie le lifting de "Flight Of The Looking Glass", plus punchy que l’original déjà fort bon. D’ailleurs, contrairement au reste de l’album, ce dernier morceau figure ici dans une version enregistrée en live, lors de la tournée du TONY LEVIN BAND en 2000.
Tout le reste n’a aucun intérêt. Le fond du trou est creusé avec les interprétations de Metropolitan Suite, où on a droit à des imitations d’imitations. L’album d’origine souffrait déjà d’une certaine redondance, du fait des presets d’Emulator et autres Yamaha DX7 émulant un orchestre. Une démarche reconduite à la lettre ici, avec des synthétiseurs plus récents. On se retrouve donc avec quatre parfaits doublons. Ça me gâche même le plaisir de "Into The Abyss", pourtant mon morceau préféré de l’album de 1987.

Franchement, une édition limitée aurait suffi.

Il est bien triste que la discographie de SYNERGY se termine là-dessus. À la fin des années 1990, Larry Fast réalisa la bande-son du parc DisneySea de Tokyo. Il annonça peu après sur son blog avoir l’intention de publier un album compilant la bande-son de DisneySea ainsi qu’un album de réinterprétations de musique classique. Il fut ensuite question, il y a de cela déjà une quinzaine d’années, de l’arrivée prochaine d’un véritable nouvel album de SYNERGY. D’autres annonces plus récentes vont dans le même sens. Résultat des courses : toujours pas le moindre album à l’horizon. Tout cela ressemble de plus en plus à un vrai-faux come-back à la KRAFTWERK.

Quelques morceaux épars ont toutefois été publiés sous le nom SYNERGY. Passons sur les participations à deux albums hommage à PINK FLOYD, plus qu’anecdotiques. En revanche, deux nouvelles compositions de Larry Fast ont vu le jour, "Tower Indigo", publié dans l’album collectif Possibilities Of Circumstance (2013) du label Projekt, et "Insects" publié dans Myndstream Fall Flight (2021) par le label Myndstream, dédié aux musiques méditatives. Le premier est fort peu mélodique, avec un début ambient, un très beau pont rythmique et une conclusion faite d’accords plaqués, avec un son d’ensemble assez étouffé. Le second, beaucoup plus mouvementé, renoue assez bien avec le dynamisme des premiers albums.
Tout n’est donc pas (encore) perdu.