Durant les années 1960, le paysage musical était sous l’emprise d’une gelée musicale dite 'variété'. Si quelques noms de la chanson surent la transcender et s’en extirper, pour le reste, cette masse vaseuse phagocyta sans pitié les influences d’outre-Manche ou d’outre-Atlantique susceptibles d’attiser les braises. De l’intérieur, il existait déjà des cercles d’expérimentations musicales, tels le Groupe de Recherches Musicales, ou des francs-tireurs comme les STRUCTURES SONORES LASRY-BASCHET, encore trop spécifiques pour se faire entendre d’un large public.

Pourtant, du bouillonnement créatif et intellectuel de Mai 68 à Paris, émergea une nouvelle frange rock en France. Les VARIATIONS, fondés en 1964 par Marc Tobaly mais exilés faute de public, font leur retour, et des groupes comme TRIANGLE, EDEN ROSE ou MOVING GELATINE PLATES font leur apparition, galvanisés par la nébuleuse progressive anglo-saxonne. Même Pierre HENRY, alors chef de file français de la musique concrète, établit des partenariats susceptibles d’attirer le grand public : avec Michel COLOMBIER pour la Messe Pour Le Temps Présent, avec les anglais SPOOKY TOOTH pour Ceremony: An Electronic Mass.

Richard PINHAS débute ses études universitaires en 1968. La rencontre avec le philosophe et professeur Gilles Deleuze le décide à se diriger vers la philosophie. Richard fait, à la même période, ses premières armes musicales dans le groupe BLUES CONVENTION aux côtés de Klaus Blasquiz, avant de s’en détourner rapidement. Klaus remplacera Lucien Zabuski au sein de MAGMA et Richard fondera le groupe Schizo avec des amis étudiants : Pierrot et Coco ROUSSEL, Patrick GAUTHIER et Georges GRÜNBLATT. Schizo enregistre un premier 45-tours et le publie en 1972 chez le label SFP. Malgré son caractère atypique, ce disque connut une distribution en Espagne et en Italie.

Dans les crédits de l’édition originale figurent uniquement Richard PINHAS et les frères ROUSSEL. Nous trouvons également le chanteur Olivier Pamela, auteur d’un unique 45-tours Night Man / I Got A Razor en 1981. La présence des synthétistes Patrick GAUTHIER et Georges GRÜNBLATT est incertaine, faute d’informations.

Tous deux cosignés par Pierre ROUSSEL et Richard PINHAS, "Schizo (And The Little Girl)" et "Paraphrenia Preacox" présentent un rock où se succèdent refrains mélodiques et riffs saturés. Les deux chansons se ressemblent assez et la composition suit encore un schéma basique, encore très lié au modèle rock anglo-saxon. Le chant d’Olivier Pamela, plutôt typé blues, ne fait que confirmer cet état de fait.

Ce sont bien les sons qui font le principal intérêt de ce premier essai. Électroniques d’une part, avec l’impressionnante mise en marche de "Schizo" et les essaimages de "Paraphrenia Preacox". Électriques d’autre part, dont la fougue témoigne de l’heureuse influence de CAN. Le tout avec un son d’ensemble compact et puissant pour un résultat final assez percutant. C’est bien dans l’école de Düsseldorf que "Schizo" tire l’énergie de son premier élan, une influence certes pas encore digérée mais déjà prometteuse.

Ce premier témoignage sonore n’est pas trop mal pour une mise en jambe. Ce disque est forcément anecdotique face à l’écrasante influence des expérimentateurs teutons. Mais le décollage ne saurait tarder.