Ce premier album est originellement sans titre, seules les deux faces portant chacune une dédicace : "Guérilla Électronique" d’après une nouvelle de William Burroughs, et "Special Thanks To Norman Spinrad". Ces deux auteurs rattachés à la littérature d’anticipation eurent, au même titre que Gilles Deleuze, une grande influence spirituelle sur Richard PINHAS qui, la même année, rencontra Norman Spinrad avec lequel il se lia d’amitié. Le nom Heldon lui-même est originellement celui de la république fictive où se déroule l’action du roman Rêve De Fer (1972) du même Norman.

Le premier contact avec Électronique Guérilla peut s’avérer surprenant. Le rock rageur de Schizo, les crédits et le titre évocateur laissent imaginer un contenu à l’avenant, mais il n’en est rien. Sur cet album, Richard PINHAS est quasiment seul avec ses guitares et un synthétiseur EMS VCS 3, à l’exception de "Ouais Marchais, mieux qu’en 68" qui est simplement une réédition du titre "Le Voyageur", déjà paru sous le nom "Schizo", d’où les crédits quelque peu fantaisistes de l’album. Même sans connaître au préalable les deux simples de "Schizo", Électronique Guérilla peut sembler décevant et dépareillé.

Ces cinq nouveaux morceaux ne sont donc que nappes, séquences électroniques et mélodies de guitares plus ou moins improvisées, pour un résultat contemplatif et peu dense, assez loin d’une "Guérilla Électronique". Nous sommes en définitive plus proches de Cluster II que de Tago Mago. "Zind" ouvre l’album sur plusieurs bourdons qui se superposent en une note unique et dont les LFO créent des battements asynchrones. "Back To Heldon" (étrange pour une face A censément dédiée à William Burroughs!) est le premier pavé de l’album, dont les oscillations électroniques et la ligne de guitare saturée dessinent un climat menaçant. Vers la cinquième minute, la guitare laisse place à un mantra électronique. Le contraste est rude avec "Northernland Lady", une ballade où cette fois-ci la guitare d’Alain Renaud tisse une trame rassurante qui parvient à momentanément apaiser la machinerie électrique de Richard PINHAS.

"Ouais Marchais, mieux qu’en 68" n’est finalement pas si incongru, malgré la différence d’instrumentation. Ce morceau concrétise la thématique du "Voyageur" de Nietzsche, assez bien figurée par les autres morceaux de l’album. La séquence effrénée de "Circulus Vitiosus" nous rappelle un paysage sonore analogue à "Back To Heldon", peut-être moins glauque mais non moins désertique. "Hommage à Puig Antich, révolutionnaire assassiné en Espagne" conclut l’album sur une note mélancolique. Comme son titre l’indique, ce morceau est un hommage au militant communiste catalan Salvador Puig i Antich, la dernière victime de la milice franquiste, exécuté au 'lacet étrangleur' le 2 mars 1974.

Richard PINHAS soumit les bandes de son album au label EG, filiale d’Island. EG étant déjà saturé de demandes de parution, Richard PINHAS se résolut à publier Électronique Guérilla à compte d’auteur, donnant ainsi suite au label Disjuncta. La suite sera de la même trempe… ou pas.