ἀλήθεια … alètheia … négation de Lếthê, le Léthé, fleuve de l’oubli. La mémoire retrouvée.

alètheia … Allez Téïa … Allez la Terre?

Cet album se démarque beaucoup du précédent ainsi que des suivants. Il s’agit, en dehors du projet Schizo, de la première et la plus importante participation de Georges GRÜNBLATT à HELDON. On peut même dire qu’il s’agit d’une création en duo : en dehors de la participation épisodique d’Alain Bellaïche et Alain Renaud, Allez Téïa est intégralement composé et interprété par Georges ou Richard.

Pour la forme, quatre entités se meuvent, se croisent et se séparent. L’EMS VCS 3 neuronal et les guitares noisy de Richard d’une part, auxquels le premier album nous a déjà habitués. Les guitares acoustiques et le Mellotron d’autre part, qui apportent une touche champêtre et au passage font le pont avec la scène progressive anglo-saxonne déjà bien établie. Mine de rien, cette particularité a une incidence sur la singularité d’Allez Téïa. Certaines compositions sont inhabituellement mélodiques voire romantiques, ce que nous ne retrouverons plus chez Richard PINHAS avant très longtemps.

"Northernland Lady" ou "Hommage à Puig Antich" du premier album ne faisaient que préfigurer le splendide "In The Wake Of King Fripp" en ouverture, au titre pour le moins éloquent. Basée sur un riff à sept temps, cette pièce composée à quatre mains mêle les arpèges acoustiques de Georges, les drones électriques de Richard et les nappes de cordes pour un résultat de toute beauté, qui n’est pas sans me rappeler les premiers SYNERGY, dans certaines tournures harmoniques. Deux autres morceaux sont exclusivement dédiés aux guitares acoustiques. "Aphanisis" (disparition en grec), composition d’Alain RENAUD interprétée en duo avec Georges GRÜNBLATT, est fort émouvant, unique dans l’œuvre de HELDON, et correspond bien au thème de la Terre. Le conclusif "Michel Ettori", composé pour trois guitares, est moins ouvertement romantique mais non moins chaleureux. Sur "Omar Diop Blondin" (du nom d’un militant sénégalais mort en prison) aux guitares électriques, l’acidité des improvisations pinhasiennes est contrebalancée par des riffs lunaires.

Le cœur de l’album est quant à lui pleinement dédié aux expérimentations électroniques, foncièrement proche de l’album précédent, à commencer par le bref "Moebius" séquencé. Nous en venons alors à "Fluence", plat de résistance en deux parties. De l’enchantement mélodiques de "In The Wake Of King Fripp", nous passons à deux monolithes sonores où les cordes sont comme éteintes face au drone électronique obstiné. Si "Perpetuum Mobile" est à nouveau assez court, "Disjonction Inclusive"* atteint la dizaine de minutes. "Disjonction Inclusive" reste très statique sur ses trois premiers quarts, avant l’apparition vers la minute sept d’un nouveau passage séquencé… et pour cause, puisqu’il s’agit des séquences de "Moebius" telles quelles ! Sur "Moebius", ces séquences ont été sabrées d’une minute. Un double emploi bien étrange.

L’autre composition en duo est "Saint-Mickael Samstag Am Abends". Ce pendant sombre de "In The Wake Of King Fripp" commence aux claviers seuls avant l’arrivée de l’arpège de guitare. Les cordes y apparaissent particulièrement glauques et inquiétantes. Le solo de Richard PINHAS arrive en conclusion, vite interrompue par une fin abrupte, comme au sortir d’un rêve, et "Michel Ettori" constitue un atterissage rafraîchissant.

"Saint-Mickael Samstag Am Abends", malgré son impression d’inachevé, reste annonciateur de la vindicte des albums suivants. Le meilleur reste donc à venir.

3 ½ sur 5

*La disjonction inclusive désigne le "ou" logique: pour deux prédicats P et Q quelconques, leur disjonction inclusive est vraie si et seulement si [u]au moins[fu] l’un des deux prédicats et vrai. À différencier de la disjonction exclusive qui signifie P "ou bien" Q.