Le saviez-vous ? Seuls les deux premiers albums studio de MARTIN CIRCUS, soit les opus tenant du rock progressif, ont été réédités. Deux sur dix, ce qui n’est pas rien. Vous ne trouvez ça toujours pas anormal ? Alors, il vous faut savoir, ami(e)s lecteurs et lectrices, que dès le fantastique Acte II (1971), la troupe de musiciens barrés avait signé avec Vogue, qui n’est pas le premier venu, loin s’en faut. Conséquence principale : réussir à établir la discographie complète de MARTIN CIRCUS tient plus du parcours du combattant qu’autre chose. Un parcours d’autant plus atroce que, une fois les disques collectés, la récompense est cruelle : MARTIN CIRCUS s’est vautré dans la variétoche la plus totale. Un changement de direction incompréhensible, alors qu’on avait affaire à l’un des fleurons du rock français.

Un coupable tout désigné est la facilité du succès commercial. En effet, les graines de la discorde sommeillaient en Acte II et, plus précisément, avec "Je m’éclate au Sénégal", titre crétin mais solide et ayant connu un succès certain. Les opportunités s’enchaînent, entre gloriole du cinéma Les Bidasses en folie (1971) et premières parties de concert pour des artistes alors bien établis (on parle quand même de Johnny HALLYDAY, Claude FRANCOIS...) où le groupe se taille une solide réputation. Par la suite, les membres de MARTIN CIRCUS, amputés du souffleur Gérard Pisani, intègrent le casting de la comédie musicale La Révolution Française (1974), rassemblant des talents aussi imposants que prometteurs - on parle d’une comédie où l’on retrouve Alain BASCHUNG, Jean Schulteis ou encore Daniel BALAVOINE, excusez du peu. Autant dire que le rock progressif mâtiné du décorum à la Antonin Artaud, on oublie pour profiter du succès.

Au vu d’un tel contexte, Acte III sonne forcément comme une défaite, un renoncement. Pourtant, en tant que premier volet de la déchéance artistique de MARTIN CIRCUS, l’album se tient bien. Certes, c’est un album de pure variété française, mais pour peu qu’on mette de côté les préjugés inhérents au genre, il serait malvenu de cracher dans la soupe. Les thèmes abordés ont beau être communs, voire bateau ("Je t’aime", "Un accident heureux", "Docteur"), le groupe exploite ses acquis et ne peut être accusé de faire le minimum syndical. Une certaine énergie rock reste bien présente tout au long de l’album, et pas seulement parce que Gérard Blanc et Alain Pewzner débrident leurs guitares. "Les indiens du dernier matin", en particulier, constitue une parfaite transition entre les deux premières époques de MARTIN CIRCUS, épique et dynamique même si un poil répétitif. Ce qui frappe aussi, c’est que le sens même du mot 'variété' est abordé ici : pur pop-rock ici, incursions soft-rock là, une pincée d’exotisme derrière... L’exécution est basique, mais elle marche.

En abordant Acte III, je m’attendais à une véritable chute, à l’accident industriel ayant coulé MARTIN CIRCUS. Il n’en est rien ; l’album mérite une affiliation certaine avec ses prédécesseurs, en proposant la voie de la variété, pas forcément sous sa forme la plus noble ni la plus artistique, mais avec une plus-value héritée du savoir-faire de 5 rockeurs redoutables. Que MARTIN CIRCUS ne devienne pas le nouveau fer de lance du prog français est dommage, mais si en échange on devait avoir un bon groupe de variété / rock, alors tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Mais non.

Oh que non.

Note réelle : 3,5/5