Plus de scène, plus de cinéma, plus de contrat de Vogue. Voici en gros ce qu'il faut retenir de l'année 1969 chez Françoise HARDY. En effet, à force d'enchaîner les concerts de gala aux quatre coins du monde, et eu égard à sa timidité, elle décide tout simplement d'arrêter les frais et de se concentrer sur la musique en elle-même – mais n'arrête pas pour autant les passages télévisés. Ensuite, les tensions avec Vogue devenant de plus en plus fortes, le divorce finit par être prononcé. Voulant visiblement rester attachée à l'idée de l'indépendance artistique, HARDY lance sa propre maison de disques, Hypopotam, dont la distribution sera assurée par Sonopresse. Afin d'étrenner cette création, une compilation, depuis lors reniée, sort en 1970, avec au menu des inédits assez intéressants, dont un en allemand ("Traüme"). Quelques temps plus tard, celle qui s'est découvert une passion pour l'astrologie sort son premier véritable album studio depuis Comment te dire adieu, rétrospectivement nommé Soleil.

Du côté des compositions, HARDY s'efface toujours autant, laissant le soin à d'autres de s'occuper de composer/adapter les chansons de l'album. De plus, si Charles Blackwell n'est plus de la partie, Mick Jones reste toujours dans les parages, tandis que Hugues de Courson continue de participer comme parolier après avoir fait ses preuves avec "Etonnez-moi Benoit". D'autres noms sont à remarquer, comme l'anarchiste Etienne Roda-Gil, éternel compagnon de route de Julien CLERC, ou encore Jean-Pierre Sabar aux arrangements. En résumé, cela fait du beau monde pour Soleil.

Avec une telle équipe, HARDY parvient à réaliser un disque réussi. Grâce à une musique et à des arrangements sensiblement meilleurs et surtout évolutifs, les chansons rassurent quant à la transition de la chanteuse dans les années 70. De facto, et au vu des paroles et de la qualité du chant, aucune chanson n'est ici ratée, ou presque. Le presque est dû à "Dame Souris trotte", assez crétin et sonnant comme du Disney pour pauvres. Il ne s'agit certainement pas du meilleur texte de Hughes de Courson, qui se rattrape cependant plus tôt, sur "San Salvador", avec Patrick Modiano. Quoique tout est relatif, dans le sens où mettre des paroles sur le fameux thème popularisé par le film Jeux Interdits n'est pas la meilleure idée au monde. Les contributions de Mick Jones et de son compère Tommy Brown sont nettement meilleures. Figurant à l'origine sur One-Nine-Seven-Zero et en anglais, elles ont été adaptées en français, laissant donc la chance à l'Hexagone de les découvrir. Et là, c'est Byzance : "Fleur de Lune" est un numéro pop aussi court que concis et réussi, "L'ombre" raconte une histoire intense sur une musique rapide et inquiétée. Si les arrangements de "Je fais des puzzles" ne sont pas les plus innovants du monde, la musicalité imposée par la voix de HARDY en rend l'écoute très agréable.
J'ai écrit plus haut que Françoise HARDY s'était mise en retrait, ce qui ne l'empêche pas de donner trois chansons, elle aussi. Parmi celles-là, se trouve la plus marquante du lot, à savoir "Point". L'exercice de style tournant autour du mot 'point', amplement réussi, vaut le détour, quoique le chant parfois crispant peut rendre dubitatif.

Les deux autres chansons, ainsi que le reste de l'album, n'en restent pas moins mauvais. Encore qu'en ce qui concerne "Le crabe", le sens des paroles de Roda-Gil m'échappe complètement. Mais peu importe, ce n'est pas ça qui va empêcher Soleil d'être réussi. Cependant, en dehors de "Fleur de Lune", les chansons ne sont pas catchy et totalement fascinantes, ce qui dessert l'album quelque peu. Mais au moins a-t-il eu son succès, contrairement à l'album suivant.