Quatre ans déjà après la sortie du décevant Q2K, QUEENSRYCHE nous revient avec Tribe, album porteur d'espoir pour les nombreux fans désorientés par le virage, beaucoup trop lisse à leur goût, pris par le gang de Seattle. Cet espoir fut à l’époque largement conforté par le retour, le temps de cinq titres et à la guitare, du fin musicien Chris de Garmo et par le titre et l’iconographie de l’album qui pouvait nous laisse espérer un bienvenu regain de sauvagerie plutôt qu'une resucée de la musique aseptisée servie lors de l'opus précédent.

Alors docteur, le verdict ? Caramba, encore raté : plutôt qu’un nouveau virage stylistique, et encore moins un retour aux envolées magnifiques des plus belles heures, le groupe insiste dans une veine nettement plus apaisée, de plus en plus éloignée du Heavy Metal de la grande époque, pour s’orienter vers un Hard-Rock nettement plus consensuel, et surtout méticuleusement dénué de toute aspérité susceptible d’écorcher les oreilles non rompues aux musiques musclées. Les mêmes remarques que sur l’opus précédent peuvent s’adresser également à celui-ci : des titres souvent trop mous, un chant de Tate cantonné dans un registre très éloigné de ses réelles capacités, et une impression générale de manque de puissance et de relief. En revanche, les compositions sont en progrès, avec pas mal de refrains accrocheurs et un très joli travail de Scott Rockenfield à la batterie et aux percussions, qui donne de la vie à l’ensemble. On peut néanmoins regretter la quasi-absence de solos de guitares, un des marqueurs du groupe pourtant, et le 'calibrage' de l’album : dix titres pour quarante et une minutes de musique... et basta !

En partant à la pioche des passages les plus marquants, impossible de passer à côté du titre d’ouverture, le bien nommé "Open" qui nous propose le riff le plus puissant de l’album, une belle atmosphère un peu orientale, et une partie de batterie bien lourde évocatrice de LED ZEPPLIN. Le refrain est très bon également, et ce morceau place d’emblée la barre très haut. Le reste n’est cependant pas à l’avenant, même si "Desert Dance" est une bonne surprise avec son riff d’intro un peu stoner, ses mélodies orientales, son bon rythme un peu saccadé et surtout un étonnant refrain où Geoff Tate se la joue rappeur. "Falling Behind" n’est pas mal non plus avec son intro tribale aux percussions, son joli développement acoustique et son refrain qui fait son chemin. "The Art Of Life" évoque joliment les belles heures du groupe grâce à son arpège cristallin sur les couplets, sa bonne rythmique à la guitare et son gros travail sur les effets vocaux (avec l’utilisation d’une voix Off qui sera systématisée par le disque American Soldier qui sortira cinq ans plus tard). Mettons également parmi les bons titres l’éponyme "Tribe" qui a le mérite d’apporter un peu de lourdeur et d’originalité à l’album grâce à un beau travail de mise en scène du chant de Tate. Le reste n’est pas mal, mais finalement dispensable, notamment la ballade "Rhythm Of Hope" que l’orchestre accompagnateur ne parvient pas à porter à la hauteur de "Silent Lucidity" dont il cherche visiblement à reproduire la recette.

A l’heure de mettre une note à cet album, je suis embarrassé car on y retrouve une nouvelle fois le savoir faire du groupe et le talent de ses membres, qui nous font somme toute plutôt passer un bon moment. On peut néanmoins regretter de voir un ensemble aussi brillant se mettre de telles limites, un peu comme si la mainmise de Geoff Tate sur les compositions avait restreint le spectre musical exploré et que la créativité et l’inspiration étaient désormais strictement cantonnés et contenus. Pas de retour à l'état sauvage donc, mais impossible néanmoins de mettre moins de 3 car il y a vraiment de bons titres dans l’opus, même si on sait QUEENSRYCHE capable de faire nettement mieux.