Si vous avez aimé Stripped ou Back To Basics comme moi, le sixième opus de Christina AGUILERA, Bionic, risque de ne pas vous plaire… Pour les autres, qui sait ? Il reste peut-être un espoir avec ce millésime 2010. La pochette ne laisse place à aucun doute car si X-Tina a bien gardé le blond peroxydé et le rouge à lèvres glamour qui la caractérisent, Bionic ne nous présente pas une icône hollywoodienne mais plutôt une femme mi fatale, mi robot.

Plantons un peu le décor : Christina va fêter ses 30 ans et la musique électropop domine la scène musicale populaire. Aux oubliettes donc, la profondeur brute de ses deux derniers albums. Le brouhaha d’introduction sur le titre d’ouverture "Bionic" nous donne l’impression d’assister à la création de cette X-Tina bionique. L’influence dancehall très énergique dans le chant est surprenant, le beat futuriste est sciant, mais que dire des effets déconcertants balancés à tort et à travers ?

Pas vraiment mon délire, tout comme le premier single de l’album, "Not Myself Tonight", qui à part ses synthés marqués et son rythme dance-pop rapide n’a pas grand chose pour lui. X-Tina veut faire résonner sa voix dans les clubs, et ça, impossible de le louper mais pour le coup, ça manque cruellement de finesse et de goût, dommage. Je reste sur le même constat à l’écoute de "Glam", un titre où par moment, on ne reconnaît même pas sa voix puissante... et musicalement, à part l’influence MADONNA-esque façon "Vogue" de seconde zone, c’est absolument vide d’intérêt.

AGUILERA, dans sa transformation en femme robot, oublie totalement qu’elle a tous les outils en main pour nous transmettre ses expériences personnelles à travers ses compositions et nous sort de sacrées daubes bien lourdingues, je pense par exemple à "Vanity" ou au single "I Hate Boys" alors que le duo "My Girls" avec la canadienne PEACHES est nettement plus audacieux. La sauce pop latine n’avait pas pris pour Christina mais ce n’est pas une raison pour tout oublier, elle révise donc (un peu) son espagnol sur "Desnudate", dans une tentative de dance latino où encore une fois, on ne la reconnaît pas totalement si ce n’était pas pour ses traditionnels cris à tout va…

Trois interludes pour faire passer la pilule, "Love & Glamour" et "My Heart" qui n’ont pas de réelle utilité, ainsi que "Morning Dessert" qui sert d’intro sensuelle au morceau "Sex For Breakfast", un R&B bien lent façon ballade 90’s. Bon, vous avez compris, c’est vraiment très très générique et commercial, donc on va passer le single à l’influence dancehall "Woohoo" en featuring avec Nicki MINAJ, pour se concentrer sur le reste. "Elastic Love" co-écrite et produite par l’anglaise M.I.A. est forcément plus expérimentale, sauf qu’à part pomper le style de sa collègue, Christina ne nous donne rien.

La voix de Christina, qu’elle plaise ou qu’elle agace, est habituellement tellement expressive et puissante et ici, elle se retrouve noyée sous des couches de production qui lui enlèvent une grande part de caractère. Alors finalement on est content quand arrivent certaines chansons comme "Prima Donna", mix de hip-hop et de pop musclée, où Christina nous rappelle qu’elle a un peu de répondant. Enfin de la voix ! Il a fallu attendre presque 25 minutes tout de même !

Heureusement, il y a quelques moments réussis dans cet album. Des titres comme "Lift Me Up", seule chanson du projet écrite et produite par Linda PERRY qui avait accompagné X-Tina sur ses deux derniers disques. Ok, c’est une chialante vraiment très chiante mais elle nous rappelle qu’AGUILERA est capable de mettre son âme dans sa musique. En fin de projet, on va aussi retrouver l’australienne SIA à l’écriture et à la production de trois ballades très bien foutues, et c’est quelqu’un qui déteste particulièrement la musique de SIA qui vous parle… A croire que ses compositions étaient définitivement plus nuancées et sensées à mon sens avant qu’elle ne perce au niveau mainstream. Du piano évidemment, pour le côté introspectif et acoustique - enfin !, que ce soit sur l’apaisant "I Am", sur les arrangements minimalistes de "All I Need" ou sur le superbe single "You Lost Me" sur lequel la voix de Christina, puissante et riche en émotions, nous donne enfin ce qu’on attend.

On le comprend, la phase burlesque a duré quatre ans et il est temps de passer à autre chose pour Christina AGUILERA, une artiste qui a toujours cherché à se réinventer mais bon, à trop vouloir jouer à Double-Face, la chanteuse en perd toute son identité. Là où Stripped nous emmenait dans un voyage émotionnel et où Back To Basics nous plongeait dans un univers sonore absolument cohérent, Bionic ressemble davantage à un melting-pot de tendances déjà complètement dépassées. 18 titres dans sa version standard, Bionic peine à captiver sur la longueur et la liste des défauts est longue : trop d’effets sur la voix, des choix de production pour la plupart décevants, des paroles creuses, bref une série de chansons désincarnées dont les rares moments forts ne parviennent pas à en cacher les failles. Sachant ce dont Christina est capable, Bionic ne mérite pas mieux qu’un 1,5. Expérimentation ratée au plus haut point, l’usine à robots devrait songer à appuyer sur reset.