Après le moment d’errance artistique qu’était Lotus, Christina AGUILERA prend le temps, au milieu de son emploi du temps de juge sur l’émission américaine The Voice, de revenir auprès de ses fans avec un huitième album sorti en 2018. La simplicité de cette pochette en noir et blanc où X-Tina semble être mise à nu, ainsi que le nom de l’opus - Liberation - tout est là pour rappeler bien sûr l’ère de Stripped, cependant reste à voir si la chanteuse est capable de livrer une nouvelle fois un manifeste de l’émancipation artistique et personnelle.

En tout cas, Christina fonce tête baissée dans cette direction et ouvre l’album par le titre éponyme "Liberation", une introduction entièrement instrumentale si on ne compte pas les sept mots qu’elle susurre doucement au milieu des violons et du piano annonçant un tournant. La chanteuse s’inspire de La mélodie du bonheur sur "Searching For Maria", un prélude au morceau "Maria" produit par Kanye WEST. Le rappeur-producteur sample le roi de la pop et offre un des moments forts de l’album pour Christina avec un beat hip-hop lourd et une section de cordes qui s’envole. Sans être incroyablement bon, le morceau permet à la chanteuse de laisser sa voix s’exprimer dans une sorte de R&B-blues à la recherche d’elle-même (So tired of painting all this makeup/Cause it won’t hide my deep cuts).

Kanye assure aussi la production du single "Accelerate", un featuring avec Ty DOLLA $ign et 2 CHAINZ, mais là on s’enlise direct dans une cacophonie de grand n’importe quoi… bref, notre génie mégalo des beats hip-hop a voulu tenter quelque chose, alors sauvez quatre précieuses minutes et passez à une autre chanson aussi vite que possible.

Je vous déconseille aussi de vous attarder trop longtemps sur les ballades de cet opus, que ce soit sur le pseudo-gospel inutilement dramatique de "Unless It’s With You", sur l’ambiance vaguement tropicale de "Masochist" ou sur l’atmosphérique "Deserve" sur lequel Christina s’en remet à l’utilisation envahissante d’effets vocaux creux comme elle l’avait fait dans son dernier disque. "Twice" est réellement la seule chialante qui vaille le coup sur cette livraison. La voix d’AGUILERA, brute et sincère, se pose sur un piano simpliste mais aucun artifice n’est nécessaire lorsqu’on est doté d’une voix aussi chargée en émotions.

Malheureusement, Christina ne retient pas la leçon et navigue un moment entre R&B langoureux où sa voix est sous-exploitée sur "Pipe", à l’interlude soul simplement too much "I Don’t Need It Anymore", en passant par quelques minutes de dancehall aux influences reggae minimalistes mal calibrées sur "Right Moves".

On prend volontiers plus de temps pour écouter les deux productions d’Anderson .PAAK : "Sick Of Sittin’" et le single "Like I Do". Si ce dernier possède la touche funk si reconnaissable de .PAAK, le morceau colle moins au style de Christina alors que "Sick Of Sittin’" met sacrément bien en valeur sa voix sur une sorte de rock du sud bien groovy peut-être un peu surprenant pour la chanteuse, mais l’ensemble fonctionne assez bien.

De cet album, on retient surtout le single "Fall In Line", un duo poignant avec l’américaine Demi LOVATO, précédé de l’introduction "Dreamers". Véritable hymne féministe qui n’a pas réussi à s’inscrire dans le temps, "Fall In Line" nous fait retrouver la Christina de Stripped, celle qui portait son message avec sa voix (I got a right to speak my mind/And I’m gonna pay for this, they’re gonna burn me at the stake/But I got a fire in my veins/I wasn’t made to fall in line). Le titre débute par un beat à l’ambiance sombre avant de partir sur des trompettes et des arrangements que certains trouveront saturés mais dont on ne peut pas nier la puissance.

Je ne vous le fais pas dire, hormis "Fall In Line", la libération semble être reléguée au second plan. Christina AGUILERA n’est pas parvenue à reproduire l’impeccable cohérence de Stripped et se plie plutôt aux caprices des tendances. Sur Liberation, son message se perd trop souvent derrière des productions étouffantes et même s’il a eu une évolution par rapport au dernier album, le tout finit par sonner creux. Je lui accorde un bon 2,5 mais certains choix de production sont discutables et son honorable ambition reste supplantée par une grosse déception qui commence sérieusement à devenir frustrante.