Parmi la plâtrée de disque que CERRONE a publiés en 1977 figure ce maxi-45-tours qui est resté obscur pour la simple raison qu’il a été publié sous pseudonyme. Comme on l’a dit, 1977 est une année charnière pour CERRONE, avec le succès international de "Love In C Minor" (publié en 1976 mais diffusé à l’international à partir de l’année suivante) et de "Supernature" et la découverte des synthétiseurs. Mais autant la suite "Supernature" conservait une large part d’instrumentation acoustique (qui perdurera plusieurs années encore), le 45-tours Phonic / La Nuit Pour Nous est intégralement électronique, à l’exception de la batterie. Les deux morceaux qui le composent sont, cas somme toute assez rare chez CERRONE, entièrement instrumentales; il faudra cependant attendre 2020 et l’album DNA pour entendre CERRONE développer des pistes instrumentales à l’échelle d’un album entier.

Ce disque peut être vu comme un prolongement de la suite "Supernature", lui empruntant l’électronique et l’aspect dramatique. Tout comme dans "Supernature", les effets sonores s’invitent en rythmique. Le style Disco reste bien sûr au premier plan, et le disque se met parfois à ressembler étrangement aux instrumentations électroniques de Giorgio MORODER (From Here To Eternity, "Chase", E=MC2). "Phonic" fait même penser à SPACE. Les deux morceaux présentent de bonnes mélodies dans la lignée de Supernature et laissent la part belle aux soli de claviers – Georges RODI, toujours au top, livre presque une imitation de guitare électrique – et aux rythmiques à effets. "Phonic" est du CERRONE pur jus, tandis que "La Nuit Pour Nous" est légèrement teinté d’influences reggae. L’ensemble est vraiment maîtrisé, sans tomber dans le kitsch ni dans la démesure. Chacune des pistes dure plus de sept minutes, mais il s’agit plus de semi-improvisations sur le canevas d’un thème que de longs développements mélodiques. Il est étonnant de constater à quelle vitesse CERRONE et ses comparses sont parvenus à maîtriser les synthétiseurs et à produire de la musique électronique aussi aboutie, quant on sait que CERRONE a affirmé ne les avoir vraiment découverts que durant les sessions de Supernature durant l’été 1977.

Cet EP, resté méconnu et jamais réédité en tant que tel, sera pourtant été réutilisé à plusieurs reprises. Chacun des deux morceaux apparaîtront sur des compilations thématiques, "Phonic" sera repris tel quel pour la bande originale du film Brigade Mondaine (1978) puis remixé par Bob SINCLAIR sur l’album logiquement intitulé Cerrone By Bob Sinclair (2001), bien qu’on puisse raisonnablement supposer que ce morceau doit davantage sa survie à cette BO qu’à l’EP dont il provient. Un disque à redécouvrir, assurément.