Fidèle à sa singulière stratégie de promotion, CERRONE enregistre The Golden Touch au début de l’année 1978, toujours aux studios Trident, mais ne le publie officiellement qu’en octobre, le temps de le faire diffuser en boîtes de nuit par les disc-jockeys via des éditions 'white label' (c’est-à-dire des pressages à étiquette vierge afin de ne pas éventer la provenance d’une nouveauté musicale). Cas rare pour un album de CERRONE des années 1970 (toutes formations annexes confondues), le titre de l’album n’est pas tiré de l’un des morceaux.
Pour la première fois, CERRONE voit participer à l’un de ses projets un acteur majeur de la scène rock, en l’occurrence Jimmy Page, guitariste de LED ZEPPELIN, le temps d’un solo sur le single "Rocket In The Pocket". Deux heures durant, il alterne prises de guitare et rails de coke, jusqu’à passer à tabac le directeur des studios Trident.

Les conditions épiques d’enregistrement, de promotion et de tournage du clip de "Rocket In The Pocket" correspondent somme toute bien au caractère déjanté de cet album. La première face de The Golden Touch est empreinte d’une coloration rock, en partie due à la participation de Jimmy Page, mais également à la volonté de CERRONE de ne pas stagner et de se renouveler, quand bien même ses précédents efforts ont été de francs succès. Mission réussie.

"Je Suis Music" et "Rocket In The Pocket" contiennent effectivement beaucoup plus de guitares qu’à l’habitude chez CERRONE. Plusieurs guitaristes différents officiaient déjà sur certains des albums précédents, mais leurs interventions restaient la plupart du temps éparses. Ici, les guitaristes évoluent de concert, toujours en alternance avec les cuivres, les synthés et même le violon soliste de Michel RIPOCHE (ancien membre du groupe de rock progressif ZOO, collaborateur de VANGELIS et auteur d’une discographie solo), sans que cela paraisse incongru ou forcé. Ainsi, "Je Suis Music" est du pur CERRONE, une chanson Disco sur une seule tonalité avec une ligne de basse du même acabit que "Love In C Minor", "Cerrone’s Paradise" et "Supernature", très efficace bien que les paroles puissent prêter à rire. "Rock In The Pocket" est en revanche beaucoup plus déroutant. Intro grandiloquente à base de scansions de foule, effets sonores extravagants complétant la rythmique (on peut à nouveau penser à Giorgio MORODER), guitares et percussions foisonnantes, pont électronique et orchestral… Un sommet de CERRONE, incontestablement.

La deuxième face est peut-être moins surprenante, les guitares sont plus en retrait et les cordes reprennent tous leurs droits. On peut dire que "Look For Love" est un aboutissement de la seconde face de Supernature (celle avec "Give Me Love" et "Love In The Answer"); les développements, les enchaînements et même les sons sont plus maîtrisés. Quant à "Music Of Life", il s’agit d’une ballade à tendance lounge, dans la lignée de "Time For Love", mais cependant meilleure.

The Golden Touch est peut-être l’album de CERRONE le plus musicalement riche. Non seulement la synergie instrumentale est à son zénith, mais rarement CERRONE aura aussi bien conjugué l’efficacité des refrains et l’élaboration des développements musicaux. Il s’agit certes d’une musique chargée, mais jamais en vain. Rien à voir avec l’infect How Much, How Much I Love You voyant Alec R. COSTANDINOS s’embourber dans une surenchère d’une balourdise rare. Même le refrain de "Look For Love", plus classiquement Disco et que l’on peut trouver un peu trop calibré, est judicieusement contrebalancé par les diverses interventions instrumentales. Probablement le meilleur CERRONE.

4 ¼ sur 5