Dans la vie et la carrière de Charles AZNAVOUR, l’année 1961 est marquée par une collaboration artistique majeure et marquante avec George Garvarentz. Compositeur d’origine arménienne et futur beau-frère, il forme avec lui un duo musical qui s’étendra sur plusieurs décennies. AZNAVOUR quitte alors Raoul Breton, sa maison d’édition musicale, pour s’éditer lui-même avec le soutien de George. Si leur travail commun enrichit largement le répertoire de Charles, ils signent également de nombreux succès pour de jeunes talents. L’un des premiers est "Retiens La Nuit", interprété par Johny HALLYDAY. Cette même année, sort le huitième album studio d’AZNAVOUR.

L’album s’ouvre avec la chanson éponyme "Il Faut Savoir", une pièce qui illustre à merveille le talent d’AZNAVOUR pour l’émotion brute. La chanson évoque un amour qui s’éteint mais que l’on quitte avec dignité. L’orchestration est intime, sans excès. Elle est construite de manière simple, avec des accords répétitifs. Le tout soutient parfaitement l’intensité du texte et permet au chanteur de s’exprimer pleinement. AZNAVOUR, avec sa voix chaleureuse, voilée et expressive, chante et domine dans un élan dramatique et théâtral. Le morceau est un modèle de chanson où la musique sert à renforcer le message et l’impact émotionnel d’un texte plein de sagesse.

"Ne Crois Surtout Pas" change de ton avec son ambiance plus music-hall teintée d’exotisme. Plus légère, la chanson, telle une danse latine, explore différents styles et varie ses influences avec son rythme percussif. Toutefois, associée à une interprétation très marquée par la tradition de la chanson française, donne un résultat qui manque d’impact. L’ensemble paraît quelque peu désuet et peine à susciter un véritable dynamisme. "Avec Ses Yeux Là" composé avec Eddie Barclay et Michel LEGRAND, se lance dans une aventure musicale plus rythmée, toujours quelques touches d’exotisme. L’orchestration rapide et festive se heurte à la voix dramatique d’AZNAVOUR. Ce contraste créé une tension un peu grandiloquente. "Le Carillonneur" retrouve cette même ambiance musicale, mais l’on sent dans l’interprétation et l’orchestration une touche d’humour. L’interprétation est plus épanouie.

"J’ai Tort", autour du thème de la culpabilité, est une variante inversée de la chanson "Tu T’laisses Aller" sortie quelques années auparavant. L’on retrouve une mélodie au rythme marqué et une structure dynamique faisant ressortir un AZNAVOUR plus confiant. La chanson plutôt simple sur le plan instrumental dégage une certaine énergie. "Voilà Que Ça Recommence" est une bouffée d’air frais. On a un groove entraînant, des cuivres et des vents, des claquements de doigts qui ajoutent à la dynamique de la chanson. Le swing est subtil mais présent et le résultat est un morceau qui fusionne entre chanson française et jazz. "Lucie" s’inscrit dans la même veine mais contraste avec une interprétation dramatique.

L’album se clôt sur "La Marche Des Anges" composé avec George Garvarentz qui est utilisé pour la bande originale du film Un Taxi Pour Tobrouk dans lequel AZNAVOUR est aussi acteur. La musique est inspirée du cantique "Gloria In Exclesis Deo". Elle est ici jouée sur un rythme binaire du style marche militaire. La résonnance orchestrale et cérémoniale confère à cette chanson un caractère unique dans l’album. AZNAVOUR y interprète une voix nostalgique portée par des instruments, tels la flûte, qui ajoutent de l’intimité et un lyrisme inattendu à côté des tambours et des cymbales solennels.

Il Faut Savoir est un opus porté par la chanson titre dont la puissance dramatique incarne le meilleur du style AZNAVOUR. D’autres titres comme "La Marche Des Anges" et "Voilà Que Ça Recommence" parviennent à se distinguer. Cependant, l’album, dans son ensemble, souffre d’un certain déséquilibre. Malgré la volonté d’explorer diverses textures musicales, on note pas mal de longueurs, de touches désuètes, tout ne se retient pas et laisse une nette impression d’inachevé. Un disque pas inintéressant mais loin d’être son plus marquant.

Note réelle : 2,5