Alors que son contrat chez Ducretet Thomson prend fin, Charles AZNAVOUR signe chez Barclay comme bien des artistes tels FERRE, BREL ou FERRAT. Il y trouve un terreau fertile accompagné par l’orchestre de Paul Mauriat. Cela se révèle essentiel dans l’évolution de son style, notamment grâce à un orchestre plus étoffé qui correspond parfaitement à la veine nostalgique qui le caractérise. Ce changement lui apporte une plus grande liberté artistique. En 1960, Les Deux Guitares est donc le premier album à paraître chez Barclay.

Il jongle entre musique et cinéma, lorsqu’il n’est pas sur l’un, il se consacre à l’autre, ainsi, à la fin de cette même année, il reprend le tour du chant à l’Alhambra après une pause de deux ans.

Dans son œuvre, il puise dans le folklore arménien de ses racines, les sonorités tsiganes, le jazz américain et le musette. Cette fusion de styles offre un univers musical riche. À travers la chanson "Les Deux Guitares" il revisite une musique folklorique tsigane russe du XIXème siècle composée par Ivan Vasiliev. Il l’interprète en passant du français au russe, insufflant à sa voix une émotion presque désespérée. L’orchestre est fiévreux et empressé. Puis, les cordes sublimes, notamment les guitares sensibles, s’épanouissent dans un profond lyrisme. La pièce oscille, riche et expressive, entre urgence et langueur. Son père, Mischa Aznavourian, l’a également interprétée en russe. "Fraternité", quant à elle, nous plonge dans un univers de mélancolie, une scène de vie chantée avec une voix claire qui se développe sur rythme lent et mélodieux.

Avec "J’ai Des Millions De Rien Du Tout" et "C’n’est Pas Nécessairement Ca", AZNAVOUR adapte deux airs tirés de l’opéra américain de George GERSHWIN Porgy and Bess créé en 1935. Deux morceaux entre le classique et le jazz auquel l’orchestre ajoute une touche française. AZNAVOUR les interprète d’un naturel en toute simplicité.

Poursuivant son exploration, il s’exprime sur le réalisme des relations amoureuses avec "Ce Jour Tant Attendu", tout en mélancolie, qui décrit un accouchement sur un arrangement au caractère de musique de film tandis que "Tu T’laisses Aller" illustre l’épuisement d'une vie de couple. Une chanson narrative, si caractéristique d'AZNAVOUR, portée par un orchestre lent enveloppant les paroles teintées de nostalgie. Cette capacité à capturer les émotions humaines de manière simple est une véritable force chez notre artiste.

Nous avons droit à une aventure jazz dans "J’ai perdu la tête" où les cuivres festifs s’entrelacent dans une énergie rythmée. D’autres morceaux, comme "Rendez-Vous À Brasilia" font briller la richesse de l’orchestre tout en nous emportant dans un univers vibrant. Il en est de même de "Plus Heureux Que Moi" où la musique toujours festive contraste avec une interprétation mélancolique. "La Nuit" est une ballade charmante, une scène décrite sous la plume simple et mélancolique de Charles, qui parle à tous.

Ce chouette opus surprend positivement, notamment avec la réalisation "Les Deux Guitares". Le reste enchante, tout ne se retient pas, mais l’on passe un joli moment. À travers les mots et un orchestre riche, qui se distingue, la nostalgie et la beauté des moments fugaces se mêlent à la réalité.