Tu vois Chuck, quand je regarde ces grands espaces vierges, ces canyons, ces plaines désertiques, ces étendues sauvages, ça me rend triste pour toi. Ouaip. Moi je n’aurais pas pu à cause de ce putain d’asthme qui me cloue dans cette chaise mais toi, je me dis que tu aurais pu devenir énorme, une véritable figure emblématique du country/folk, comme l’ont été Pete SEEGER et Bob DYLAN en leur temps. Ouaip, ça me rend triste de penser ça. Bon, c’est vrai que t’es trop jeune, et que dans tous les cas tu n’aurais jamais connu l’âge d’or du genre tel que moi je l’ai connu. Ouaip. Et puis c’est vrai aussi qu’au départ le folk, c’était pas vraiment ta came. Toi, t’étais plutôt ponke, enfin punk-rock comme vous dîtes, et d’ailleurs t’as sorti un paquet d’albums depuis le milieu des années 90 avec ton groupe Hot Water Music. Mais je me doutais, en écoutant ta voix grave et écorchée, qu’un jour tu aurais besoin d’autre chose, ouaip…

Du coup tu vois, j’écoute ton dernier album, je regarde sa pochette, et je me dis que t’as rudement bien fait d’entamer une carrière solo, ouaip. Bon c’est sûr, c’est trop tard pour le succès et la gloire, et c’est ça qui me rend triste, parce que ça m’étonnerait que beaucoup de gens aient la chance d’aller à la rencontre de ta musique, mais en même temps, je me dis que tu t’es enfin accompli, ouaip. C’est déjà ton troisième album solo (le troisième en trois ans, tu chômes pas !), mais c’est aussi le plus abouti. Ouaip. Déjà tu vois, la pochette aide à se mettre dans l’ambiance. Quand on voit cette forêt sombre, avec le lac au premier plan et le ciel lumineux en fond, on sent qu’on va avoir droit à un truc organique, inspiré par et rendant hommage aux éléments. Eh ben on se plante pas ! Tu l’aimes cette nature, ouaip. Par moments, on dirait du Eddie VEDDER solo. Toi aussi t’aurais pu faire la B.O. d’Into The Wild, ouaip, j’te l’dis moi. Tout ça c’est rugueux, énergique, hyper mélodique, c’est de la country folk très inspirée en somme. Et quand ta gratte acoustique se mêle aux autres instruments (violon, basse, batterie), c’est le bonheur, ouaip.

Pourtant c’est simple ! Non non, je dis pas que tu te foules pas, mais tes titres country/folk, ben ils sont pas alambiqués, ils sont accessibles et immédiats, ouaip. Mais surtout, t’as réussi à faire des titres addictifs, qui rentrent vite en tête et qui donnent envie de t’accompagner ! Quand tu chantes « For goodness sake », « Glory », « Rotterdam », « Done and done » ou « Let it rain », et quand le violon dansant se substitute à ta voix éraillée, ben c’est une vraie leçon de country/folk, rien de moins, ouaip. Y’a de la mélodie, y’a du refrain, et surtout y’a de l’âme, de la conviction, c’est brut et direct, tout ce qui manque à nos musiques contemporaines préfabriquées, ouaip. Alors c’est sûr, tu réinventes pas la roue, mais ta musique tu la fais bien, comme l’artisan que tu es.

Et en plus, en rejetant un coup d’œil à la pochette, on voit plusieurs tons, plusieurs couleurs, plusieurs ambiances, tout en variant sur un même thème. Ta musique, elle est pas monocorde, ouaip. Parfois tu te fais plus rock’n’roll (« Good enough for rock and roll »), parfois plus calme (« Get’em all home »), mais tu restes toujours très convaincant. Dans ton Gold Country, y’a aucun remplissage, ouaip. Et ça, en 2009, c’est quand même une sacrée performance. Alors mon Chuck, tu s’ras p’tet jamais autant reconnu qu’un Pete SEEGER, ou autant adulé qu’un Bob DYLAN, mais je m’en fous complètement, parce que t’auras réussi à me faire vibrer et à me prouver que le country/folk a encore pas mal de choses à dire. Et ça, c’est la marque des grands, ouaip.