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I MUVRINI - Curagiu (1995)
Par MARCO STIVELL le 16 Novembre 2010          Consultée 7014 fois

L'hiver. Le courage. L'hiver, le courage. Le courage, l'hiver. Il faut souvent beaucoup de courage pour affronter l'hiver, quel que soit le lieu où on vit. Un bon feu de cheminée, ses proches autour de soi et un peu de musique, il n'y a rien de mieux. Le bon feu de cheminée pour la chaleur thermique, les proches pour la chaleur humaine, et la musique un peu pour les deux. Que de bonnes choses en perspective, et Curagiu en fait partie.

Curagiu, courage en corse, ça c'est une chose évidente. Tentons une analyse un peu plus détaillée maintenant, à travers ce que j'ai dit plus haut. Il est certain que ceux qui se moquent d'I MUVRINI depuis toujours avant même d'avoir écouté un album ne pourront pas comprendre mon propos plus que d'habitude, mais il est tout aussi certain que sans exagération aucune, je vais développer ce dernier à un point suffisant pour laisser entendre qu'au même titre que Noi et les deux albums suivants, Curagiu est un disque essentiel de l'oeuvre du groupe et, n'ayons pas peur puisque c'est de rigueur, de la variété internationale tout court.

Curagiu, même si j'ai parlé de chaleur musicale, affiche cependant sur sa pochette une ambiance froide, très hivernale. Cet arbre esseulé, à la fois fort et fragile qui se dresse au milieu de la froidure, ça rappelle une pochette d'un autre album, dans un genre de musique bien différent : le Wind And Wuthering de Genesis. Musique différente, mais même classe, qui se retrouve jusque sur la pochette... Et surtout, même sens du réconfort pour arriver à bien lutter contre la mauvaise saison, tout en arrivant à en capturer l'esprit.

Et c'est tout naturellement que le groupe a décidé de placer en ouverture, malgré une production caractéristique de cette période (comme pour Noi, c'est le danois Mads Nilsson qui se charge des manettes), l'une de ses chansons les plus chaleureuses : "Rispondimi Iè". Comme à l'accoutumée, et de même manière qu'un nombre infinitésimal de chansons figurant sur les précédents albums du groupe depuis 1988, la formule "trois accords, deux couplets, et un refrain-maître" fait mouche une fois de plus, et j'ai envie de dire plus que jamais. Cette chanson joyeuse reste tout simplement à mes yeux la plus belle que le groupe nous ait offert, pour le texte bien sûr, mais aussi et surtout pour la musique, l'arrangement, la cetera, la basse ronde, l'accordéon de Régis, les nappes et l'orgue discrets mais efficaces, les choeurs féminins, les interventions vocales de Régis... bref tout, tout, tout. Une merveille absolue et qui valait bien un paragraphe à elle seule.

Passé ce premier (pour l'album bien sûr) coup de maître, il convient de dire qu'au même titre que "Rispondimi Iè", beaucoup d'excellentes chansons d'une grande force peuplent Curagiu, à commencer par la chanson-titre - une des rares du groupe à utiliser une boîte à rythmes -, qui tourne sur les mêmes accords en boucle, mais pour parler de manière familière, Jean-François sait sacrément bien y faire ! Après une intro splendide, les couplets à la suite, puis les refrains, et le final, le tout sur une même base, et pourtant l'effet de monotonie ne se fait meme pas sentir ! Autres exemples de ce genre, "Vò lu Mondu", avec son joli hautbois et les participations de Dan Ghabirian (du groupe Bratsch) ainsi que de Lluis Llach pour un titre à l'ambiance prenante. Puis "Imagini", très axé sur l'accordéon de Richard Galliano, avec une intervention du sikus (comme une flûte de pan) de Miguel Angel Puna. Sans oublier "Quelli Chì ùn Nanu à Nimu", super tube qui illustre bien la pochette. Moins connues, "D'Amore Hè" d'abord, avec un seul thème mais un très bel arrangement avec décollage pop et le piano d'Alain Bonnin, ou encore "Ci Teneremu Caru" jolie petite chanson au piano. En tout cas, sans se ressembler, toutes sont empreintes du même esprit.

On aurait cependant tort de passer à côté du trio des chansons très axées sur les nappes de synthés : la sombre et solennelle "Un Mi Ne di Piu", auquel participe le choeur Granitu Maggiore dirigé par Jean-Paul Poletti, ainsi que "Perdunateci o Ma" et "Un Ti Ne Scurda" qui se ressemblent uniquement pour leur fort emploi d'accords majeurs et ouverts. Mais la seconde est aussi devenue un classique en live, jouée encore aujourd'hui. Il faut dire que sa chaleur tout à fait à l'image du texte ("Va, prends mon bateau, sème l'amour partout, et n'oublie pas le jour de ton retour") et le superbe arrangement de percussions ne laissent personne indifférent.

Le plus curieux dans Curagiu reste la dernière section. Après un "O Salutaris" (composition du défunt père des frères Bernardini) on ne peut plus traditionnel, le groupe nous offre deux pièces d'ambiance, à savoir "Chi Diceranu" où le seul instrument de musique présent est l'accordéon, et "Face u Frettu Fora" sur lequel Jean-François et le chanteur Antoine Ciosi dialoguent tandis que deux guitares jouent les mêmes parties tout le long et que l'orage gronde au dehors. On finit en beauté et majesté avec la chanson acoustique "Rifà i Passi", à la fois optimiste et sublime...

Une quantité non négligeable de joyaux différents parsème cet album, qui reste aussi l'un des plus éclectiques et grâce à certains éléments, l'un des plus surprenants du groupe qui, on le sent bien tout le long, à dû mettre beaucoup de coeur à la réaliser. Curagiu, à l'inverse de Noi, ne manquera pas sa petite Victoire de la Musique, dans la catégorie "album de musique traditionnelle". Le courage est récompensé...

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   MARCO STIVELL

 
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- Alain Bernardini (chant)
- Jean-françois Bernardini (chant)
- Jean-charles Adami (chant)
- Martin Vadella (chant)
- Jean-bernard Rongiconi (guitares, cetera)
- Eric Ferrari (basses)
- Moktar Samba (batterie)
- Stéphane Vera (batterie)
- Denis Bennarosh (percussions)
- Gilles Chabenat (vielle à roue)
- Régis Gizavo (accordéon, chant)
- Richard Galliano (accordéon)
- Alain Bonnin (piano)
- Jesper Nordenstrom (piano)
- Antoine Lazenec (hautbois)
- Ramon Lopez (tablas)
- Miguel Angel Puna (sikus)
- Hervé Bouffartigues (claviers)
- Olivier Massoni (claviers)
- Juan José Mosalini (bandonéon)
- Angeline Annonier (choeurs)
- Bessy Gordon-roy (choeurs)
- Lluis Llach (chant)
- Dan Gharibian (chant, bouzouki)
- Le Choeur Granitu Maggiore
- Jean-paul Poletti (direction du choeur)
- Antoine Ciosi (voix)


1. Rispondimi Iè
2. Vò Lu Mondu
3. Ùn Ti Ne Scurda
4. Imagini
5. Ci Teneremu Caru
6. Quelli Chì ùn Nanu à Nimu
7. Perdunateci O Mà
8. Curagiu
9. Ùn Mi Ne Di Più
10. D'amore Hè
11. O Salutaris
12. Face U Frettu Fora
13. Chì Diceranu
14. Rifà I Passi



             



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