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éLECTRO/ROCK PROGRESSIF  |  STUDIO

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LINKIN PARK - A Thousand Suns (2010)
Par DARK PANDA le 20 Octobre 2010          Consultée 6849 fois

Alors voilà, Linkin Park délaisse le Nu Metal. Les fans du groupe avaient eu les boules avec l'avant-dernier album des Californiens, Minutes To Midnight, où guitares saturées et chant magistralement beuglé avaient été remplacés (ou presque) par un rock alternatif d'ambiance, beaucoup plus calme et atmosphérique. Ils ont eu raison d'avoir peur, parce que Linkin Park enfonce le clou avec A Thousand Suns, un album qui offre une musique toujours aussi inventive mais définitivement éloignée du genre qui a fait son succès. Autant dire que les six membres du combo ont une grande image de leurs fans, puisqu'ils leur demandent désormais de les suivre... au cœur d'une musique électronique aux influences rock, et à grande tendance progressive.
Personnellement, à la sortie de Minutes To Midnight, j'avais regretté de ne pas avoir entre les mains un troisième album juste furieux, à l'image d'un Hybrid Theory ou d'un Meteora. Mais mes nombreuses écoutes m'ont finalement fait capter la force de ce changement, qui prouvait à la fois la virtuosité de Chester Bennington en voix claire, la capacité rock des guitaristes et le sens mélodique toujours aussi aigu des six membres du groupe. Plus de Metal, donc, mais une musique virtuose et diablement entêtante, qui en plus se permettait, pour la première fois, des solos de toute beauté (notamment un morceau de bravoure aussi poétique que ravageur sur "In Pieces").
Bref, je savais donc très bien qu'il ne fallait pas attendre de Metal pour ce quatrième album studio des Américains. Et lorsque j'ai eu A Thousand Suns entre les mains, je le clame, j'ai été une nouvelle fois touché en plein cœur.

Mais il faut l'avouer, les débuts sont flippants. A l'écoute de l'arrangement électro et du robotique chant féminin de l'intro, au demeurant superbe, on sent que tout peut arriver. Un discours samplé de Martin Luther King annonce ensuite le premier véritable morceau de la galette, "Burning In The Sky", sorte de ballade électro sirupeuse. Son refrain terriblement kitsch est un coup de massue: on se dit que c'est fini, que Linkin Park a finalement passé l'arme à gauche et quitté la scène musicale pour rejoindre l'univers indigent des artistes en bout de course. Un soudain solo de guitare nous fait espérer à la fin du titre... mais rien n'y fait, tout porte à croire que les Californiens ont perdu la rage qui les caractérisait.

Heureusement, il n'en est rien. Parce qu'à bien l'écouter, la musique désormais électronique proposée par le groupe est vraiment très intéressante... et très belle. Beaucoup de variété, un son à la fois clair et puissant, des arrangements parfois simplistes mais tous réussis, bref, quelque chose qui possède de la vie, du jus et même du génie. Et ce qui amène le plus de réconfort, c'est de retrouver ce qui caractérise Linkin Park au plus haut point: ses guitares, certes moins dominantes qu'avant mais parfaitement harmonisées avec ce nouveau style, le chant sublime de Chester Bennington, hanté et à nouveau criard sur certaines pistes, le rap toujours enlevé de son comparse Mike Shinoda, ainsi que le manteau électronique, pour le coup omniprésent.
Tout cela au travers d'une électro progressive vraiment superbe,qui ne cesse de se réinventer - de fait - tout au long de l'album: si "Burning In The Sky" ou encore "Robot Boy" posent les bases du nouveau Linkin Park à travers leurs ambiances satinées (arrangements électro en fond sonore, gouttes de piano ou de guitare par-dessus, voix claires souvent en choeur, ponts et variations), d'autres comme "When They Come For Me" et "Waiting For The End" reviennent à un rap incisif teinté de rock, avec gros son et riffs ravageurs à l'appui. Le style n'est plus le même, c'est une certitude, mais les ingrédients, la rage et la virtuosité musicale de Linkin Park sont intactes. Parfois même décuplées pour ces deux dernières, comme sur "Blackout" ou "The Catalyst": Chester Bennington y met à mal ses cordes vocales, comme au bon vieux temps de "Faint", cette fois au sein d'une musique complètement improbable et débridée.
Car le mélange des genres est le grand atout de A Thousand Suns, qui sous couvert de musique électronique fait aussi la part belle à la pop (l'ode solaire "Iridescent", la très envoûtante ballade "The Messenger"), au rock (le vitaminé "Waiting For The End", "Wretches And Kings" et ses guitares miraculeusement distordues) et au grand fourre-tout génial (la surprenante transe/techno de "The Catalyst", les cris scratchés de Chester Bennington sur "Fallout).

On pourrait cependant regretter le fil rouge étonnant du skeud, à savoir des bribes de discours de Martin Luther King, et certaines lignes ou mélodies à l'aspect naïf. Mais on les excuse très vite lorsqu'on constate la magistrale cohérence que renvoie l'album de manière générale: les morceaux se succèdent avec beaucoup d'immédiateté et les brillants arrangements électroniques pallient les rares manques d'envergure de la musique - qui hormis eux est justement très ambitieuse... et le vaut. En parlant d'arrangements, il faut d'ailleurs revenir sur le travail des voix souvent estomaquant, à l'image de cette allocution de Martin Luther King dont l'organe se transforme en onde robotique effrayante ("Wisdom, Justice And Love"), ou encore des paroles magiquement synthétisées de l'ambient "Fallout".
Mais le plus magique dans A Thousand Suns, c'est cette rigueur artistique patente qui permet à chaque titre de retomber systématiquement sur des instants lyriques et majestueux, parfois épiques, grâce à une cohérence et une imagination de tous les instants. Comme un dernier pied de nez à leur ancien univers, Linkin Park clôt d'ailleurs son album par une admirable ballade aux accents pop - "The Messenger" -, sur laquelle s'époumone gracieusement Chester Bennington. Plus qu'une provocation, le morceau atteste d'un renouveau définitivement revendiqué.

Souvent lorsque le style d'un groupe s'adoucit, s'édulcore, on pense que celui-ci a perdu sa "gnaque" originelle, qu'il n'arrive pas à se ressourcer, bref, qu'il régresse. Linkin Park est un contre-exemple. Ses six membres se sont sûrement dit qu'ils avaient déjà exploré tous les méandres du Metal sur leurs deux premières galettes, Hybrid Theory et Meteora, et qu'il était temps pour eux de se diversifier. Ils ont eu raison de le faire pour deux raisons (je sais, c'est redondant): la première, c'est qu'on sent justement toujours leur "gnaque" d'antan, même si elle est au service d'un genre différent. La seconde, c'est que grâce à cette envie et leur intacte sens de la musique, ils réussissent à dompter un style qui, il faut le rappeler, n'était pas du tout le leur. Et non seulement ils s'emparent de la musique électronique avec facilité, mais ils lui donnent une envergure totalement nouvelle en lui insufflant des styles déroutants, notamment leur influence Metal (batterie très présente et féroce, quelques prouesses de riffs égarées, le chant hurlé de Chester Bennington). De fait, l'album devient souvent merveilleux lorsqu'il se fait alchimique, lorsqu'il fusionne tout et n'importe quoi pour en faire une pièce rigoureusement construite et du coup musicalement aboutie.
Linkin Park est donc ainsi fait: quel que soit ce qu'il touche, il semble le transformer en or. Metal (et oui, j'ai osé), rock alternatif ou musique électronique, c'est toujours un sans-faute. Enfin seulement "presque" un sans-faute ici, parce que pour avoir la note maximale, Linkin Park aurait simplement dû éviter deux refrains légèrement trop mièvres ("Burning In The Sky" et "Iridescent"). Histoire de dire qu'en oubliant ces deux détails insignifiants, A Thousand Suns a tout de la perfection.

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   (2 chroniques)



- Chester Bennington (chant, guitare)
- Mike Shinoda (mc, chant, guitare, piano, sample)
- Brad Delson (guitare principale, piano)
- Dave Farrell (basse, guitare, violon)
- Rob Bourdon (batterie)
- Joe Hahn (dj, sample)


1. The Requiem
2. The Radiance
3. Burning In The Skies
4. Empty Spaces
5. When They Come For Me
6. Robot Boy
7. Jornada Del Muerto
8. Waiting For The End
9. Blackout
10. Wretches And Kings
11. Wisdom, Justice, And Love
12. Iridescent
13. Fallout
14. The Catalyst
15. The Messenger



             



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