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- Style : Limp Bizkit, Papa Roach
- Membre : Fort Minor
- Style + Membre : Mike Shinoda

LINKIN PARK - Minutes To Midnight (2007)
Par DARK PANDA le 8 Février 2012          Consultée 4979 fois

Le monde (de la musique) se divise en trois catégories :

1) Le candide. Le plus heureux, car il peut danser sur du Rihanna et du Beyoncé sans se rendre compte que ce qu'il écoute n'a aucune originalité et presque aucun sens artistique. Il mange à tous les râteliers, est la plupart du temps à la mode et lance cette phrase universelle, "Moi j'écoute de tout". Le plus important pour lui : l'immédiateté de la musique.

2) Le puriste. A la fois le plus tourmenté et le plus touché par le quatrième art, il s'oblige le plus souvent à fuir les ondes aseptisées de la radio et tout groupe au succès commercial avéré pour se réfugier dans des niches musicales peu connues, où chaque touffe d'accord et chaque bruissement de chant se déguste. Il reste dans le pré-carré qu'il s'est construit, illustre son passéisme en crachant sur la nouveauté et hurle facilement avec arrogance "Moi, j'écoute de la VRAIE musique." Le plus important pour lui : la technique des musiciens et la complexité de leurs compositions, seuls garants selon lui d'une musique de qualité.

3) L'hybride. Individu rare, il ne faut pas le confondre avec le premier groupe. Tout en ayant une grande idée de la musique à l'image du puriste, il n'hésite pas à reconnaître la virtuosité de certains groupes "bankables" appréciés du candide. Ébloui par la beauté des compositions difficiles d'accès, il n'en renie pas pour l'immédiateté de certaines musiques plutôt commerciales, lorsque celles-ci sonnent de manière juste et sincère. Il est déprécié par les deux autres catégories (les premiers sont ennuyés par son discours d'amoureux de la musique, les seconds se moquent de lui dès qu'il parle en bien d'un groupe un peu trop médiatisé) et se distingue d’eux par sa capacité à trouver du beau dans toute forme de musique.

Naturellement, ce sont des schémas. Pour mieux les illustrer, prenons Linkin Park. Qu'est-ce ? Au départ, le renouveau du nu metal (ou rap metal). Le groupe californien a forgé son succès dans le cœur des métalleux par la puissance de son chant rap/clair/crié et l'efficacité de sa musique, mélange de riffs implacables et de nerveux arrangements électroniques. En deux albums - Hybrid Theory et Meteora -, les six Américains ont envoyé du pâté. Avec ce "Minutes to Midnight", sorti en 2007, ils prennent tout le monde de court en proposant une galette de rock alternatif, saupoudré ici et là de leurs influences précédentes mais clairement axé vers des sonorités pop. Du lourd donc, mais largement plus fin et mélodique. Avec des ballades, un peu de piano et des chœurs.
En clair, une ligne musicale profondément hybride. A travers cet album, Linkin Park prouve qu'il avait d'autres choses à explorer, au-delà du metal. Le résultat attristera les puristes et n'intéressera pas les candides, mais ravira... cette fameuse troisième catégorie.

On pourrait croire que ce disque n’en vaut pas la peine, à la vue de l'accueil - au mieux sceptique, au pire exécrable - que lui ont réservés les fans de Linkin Park et les métalleux en général. Bien sûr, ils ne s'y retrouvaient plus : leur groupe est passé du metal au pop-rock. Mais cette transformation veut-elle forcément dire que Linkin Park n'a plus d'idée et qu'il tombe dans la grande marmite commerciale, qui broie l'original et met en lumière la tiédeur ? La réponse est non, pour deux raisons :
Tout d'abord, Linkin Park a toujours été commercial, car plébiscité par un nombreux public. L'attrait de la célébrité n'existe donc plus, puisqu'elle est d'ores et déjà actée.
Second point, Linkin Park reste Linkin Park malgré ce changement de genre, car il n’a rien perdu de sa hargne et de son génie créatif. Alors oui, les guitares sont moins lourdes, le son beaucoup plus calme et les mélodies sérieusement moins acerbes. Mais chant et rap restent magnifiques, les compositions bourrées d’inventivité et les instruments pleins d'intensité.

Le plus intéressant dans cette histoire, c'est que malgré l'abandon du metal pour la conquête d'un rock plus alternatif et apaisé, Linkin Park fonctionne sur la même recette qui a forgé son succès : mélange de chant clair ou crié et de rap, guitares souvent percutantes, mélodies naïves mais néanmoins travaillées et toujours d'une immédiate efficacité.
Le début de l'album met tout de suite dans le bain. "Given up", première véritable pièce après une courte intro instrumentale, déploie du traditionnel : des riffs qui sentent le souffre et un chant crié de Chester Bennington, incroyable d'intensité. Premier constat, le groupe arrive toujours à envoyer du lourd et son chanteur possède un organe inhumain : vers la fin du morceau, le Californien lâche un hurlement formidable de 17 secondes, sans aucune baisse de régime, sur des notes de guitare vigoureuses. Impressionnant et envoûtant. Troisième titre, second constat : "Leave out all the rest", ballade pop-rock, illustre l'adoucissement du groupe à travers des instruments cantonnés à un rôle d'ambiance et un chant clair ultra-mélodique. L’œuvre peut paniquer, mais n'y cédons pas. Ici, Linkin Park prouve son génie de la composition avec cette ode aérienne, où des lignes de guitare contemplatives accompagnent un chant à la fois cristallin - dans les aigus qu'il attrape - et touffu - dans ce qu'il charrie en émotion.

Le reste de l'album s'articule sur ces deux attitudes, non pas contradictoires mais complémentaires : des hymnes rock rageurs ("No More Sorrow" et ses guitares bigarrées, créatrices de murs de riffs assourdissants ou de lignes profondément mélodiques) mêlés à des ballades sublimes ("The little things give you away", où le chant clair de Chester Bennington, fragile et élégant, éclate avec splendeur). Parfois même, les deux s'assemblent à l'image de la précieuse "Valentine's day" : tout débute en douceur sur quelques gouttes de guitare et les notes satinées du chanteur, avant qu'un crescendo ne donne naissance à une harmonie délicieuse de riffs et de vocalises lyriques, tout en puissance et en mélodie.

Voilà ce qui frappe le plus sur cet album des Californiens : l'aspect mélodique. On y sent l'esprit pop, en somme le renoncement du metal au profit du rock. Et ce choix s’avère miraculeusement gagnant : moins encombrées du "gros son" qui a fait leur renommée, les compositions de Linkin Park paraissent plus fluides et plus diversifiées. Les guitares se libèrent, variant leurs styles et offrant pour la première fois des solos, de toute beauté (cet enchevêtrement de notes virtuoses à la fin de "In pieces", cet hymne électrique candide mains néanmoins voluptueux qui termine "Shadow of the day"). Les chanteurs du groupe, le colérique Chester Bennington et le rigoureux rappeur Mike Shinoda, profitent aussi de ce basculement vers un rock plus adouci : la musique leur laissant plus d'espace, ils n'hésitent pas à le combler et prouvent leur extraordinaire richesse vocale :
Le premier s'emploie tellement à exposer sa rage qu'il outrepasse tout ce que l'on avait pu connaître de lui sur Hybrid theory et Meteora : presque tous les morceaux de ce nouvel album, à commencer par le féroce "Bleed it out", assoient la violence, la densité et la grâce du chant de Chester Bennington, tout en lui conférant une dimension émotionnelle encore jamais égalée. Bien sûr, le chanteur sait se faire lyrique sur des plages pop et langoureuses comme "Shadow of the day". Mais à bien l’écouter, sur "Given up" par exemple, on se rend compte que c’est lorsqu’il broie son organe vocal en cris déchirants qu’il exprime ce lyrisme avec le plus de justesse. Plus qu’une surprise, une consécration.
Le second, Mike Shinoda, brille dans sa remarquable collaboration avec son confrère sur "Bleed it out" mais prend surtout son envol dans d'autres titres, où il officie en première ligne : si "Hands held high" lui permet de renouer avec un rap envoûtant et millimétré comme lui seul sait le créer, "In between", l'une des perles de "Minutes to midnight", le consacre en tant que chanteur "traditionnel" : voix chaude, lyrisme patent, registre exalté.

Pourtant, j’entends déjà de nombreux cris d’orfraies : "C’est bien beau de savoir crier, de raper gentiment et d’élaborer des petites ballades sympatoches pour faire croire qu’on sait varier son style. Mais les compositions sont ringardes, les arrangements électro déjà entendus mille fois et les envolées qui se veulent dramatiques aussi simplistes que pleurnichardes. Ce disque pue la pop molle et ne satisferait que les fillettes fans de Justin Bieber."
Je comprends cette analyse. Oui, "Minutes to midnight" peut parfois paraître mièvre : d’improbables "amen" lancés dans le refrain de "Hands held high", des arrangements tire-larmes sur la mielleuse "Shadow of the day", une ligne de riffs pas forcément très originale sur "What I’ve done". Mais chacun de ces morceaux se distingue de l’indigence de la pop en général par une chose cruciale : l’esthétisme, le beau, qui peut émerger de l’accord le plus pauvre s’il s’inscrit dans une construction de qualité. Ainsi, "Hands held high" propose un rap charnel, des vagues électroniques certes simples mais parfaitement harmonisées et une apparition soignée et délicate de Chester Bennington à la fin du morceau. "Shadow of the day", si elle ne réinvente rien, s'articule sur un crescendo de génie : partie sur une base de tambours étouffés et de basse gutturale, la pièce s'enrichit au fur et à mesure d'instruments et d'émotions : d'abord l'arrivée lyrique de Chester Bennington, puis une fine orchestration composée au synthétiseur, avant la naissance d'un solo savoureux de guitare électrique, qui termine le titre dans un hymne magistral.
"What I've done", pour finir, consacre la densité du chant de Chester Bennington (décidément omniprésent) et s'illustre une nouvelle fois par un solo de guitare électrique, aussi court que torride.
Voilà comment Linkin Park arrive à éviter l'écueil de la fadeur : par son sens de la musique, sa capacité à créer des instants de grâce tout en s'appuyant sur des registres éculés.

A l'image d'une musique appréciée du candide, beaucoup de morceaux de "Minutes to midnight" se fredonnent sous la douche ou dans la rue. A l'image d'une musique appréciée du puriste, on frémit à la réécoute d'une précieuse ligne électronique, d'un air touchant de guitare électrique ou d'une explosion criarde de Chester Bennington. Certains continueront d'expliquer au monde entier que cet album scelle la déchéance des Californiens, parce qu'il n'est qu'une suite indigeste de mélodies surannées et sans aucune once d'originalité. Tant pis pour eux. Car comme sur tout album de Linkin park, le plus grand se cache derrière ce que l'on croit indigent : l'hybride seul saura approfondir son écoute, aller au delà de l'impression simpliste d'un morceau comme "In between" pour y déceler son formidable charme. La différence peut-être, entre l'approche d'autorité et celle d'empathie face à la musique. Clint Eastwood avait finalement raison, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. L'hybride a raison de préférer creuser.

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   DARK PANDA

 
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- Chester Bennington (chant, guitare, percussions)
- Mike Shinoda (chant, guitare, synthétiseur, piano)
- Brad Delson (guitare, piano, chœur)
- Dave Farrell (basse, guitare, violon, chœur)
- Rob Bourdon (batterie)
- Joe Hahn (synthétiseur, chœur)


1. Wake
2. Given Up
3. Leave Out All The Rest
4. Bleed It Out
5. Shadow Of The Day
6. What I've Done
7. Hands Held High
8. No More Sorrow
9. Valentine's Day
10. In Between
11. In Pieces
12. The Little Things Give You Away



             



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