ASIA, tout le monde connait. Enfin presque. Tout le monde connaît l'âge d'or du groupe, entre 1982 et 1985, époque durant laquelle ASIA était essentiellement un supergroupe comprenant de grosses pointures du rock progressif (John Wetton, Carl Palmer, Steve Howe et Geoff Downes). Tout le monde a également entendu parler de la reformation de ce mythique line-up d'origine en 2006. Mais entre temps ? Que s'est-il passé pendant tout ce temps là ? Et bien entre 1985 et 2006, ASIA a continué d'exister, tout simplement. ASIA a même continué de tourner et d'enregistrer des albums avec des line-ups tous plus différents les uns que les autres. Deux membres assurent la stabilité du groupe durant ces années de vache enragée, Geoff Downes, seul membre restant du line-up d'origine, et John Payne, remplaçant oublié de John Wetton.

Issu du monde du glam rock, le Britannique John Payne est probablement l'un des musiciens les plus injustement méconnus de toute l'histoire du rock progressif. Car mine de rien, Payne a enregistré pas moins de huit albums studios avec ASIA (ce qui fait plus au compteur que John Wetton) et tous ces albums ont été superbement ignorés par la critique. Il m'apparait alors tout à fait légitime de rendre hommage à ce grand chanteur en chroniquant sans plus attendre ces albums d'ASIA, qui sont très souvent oubliés du grand public, voir même des fans d'ASIA eux-mêmes, ce qui est encore plus scandaleux.

Après la période hasardeuse 1986-1990 qui vit le groupe se contenter de relancer ses ventes en sortant un album mi-studio mi-best of (le très moyen Then & Now), John Wetton quitte le groupe, excédé par le manque de considération des médias et du public envers ASIA. Geoff Downes décide alors de continuer l'aventure malgré tout, rappelle Steve Howe et Carl Palmer afin de donner un peu de légitimité à son travail, et engage de nouveaux musiciens. Outre le fameux John Payne en remplacement de John Wetton, nous avons ici Al Pitrelli à la guitare (qui officiera des années plus tard comme requin de studio pour MEGADETH) et une pléthore d'invités de choix, parmi lesquels Simon Philipps (ex-JUDAS PRIEST, futur TOTO) et Scott Gorham (ex-THIN LIZZY), ce dernier ayant déjà travaillé avec ASIA quelques années plus tôt. Dans cet ordre d'idées, il convient de préciser toutefois que si Howe et Palmer sont de la partie, ce n'est qu'à distance et probablement pour des raisons contractuelles : Steve Howe est alors très occupé avec le projet ANDERSON/BRUFORD/WAKEMAN/HOWE (un avatar de YES) et Carl Palmer essaye laborieusement de reformer ELP. Leur contribution est alors presque purement nominale ...

Tout ce petit monde se met au travail et en 1992 sort un nouvel album d'ASIA totalement inédit cette fois, Aqua. Le groupe revient visiblement à ses premières amours des titres en A et des pochettes épiques inspirées. Aqua est cependant l'album qui ouvre un nouveau chapitre dans la saga ASIA : celui de l'ère John Payne. Et il l'ouvre admirablement bien, puisque tout est bon dans cet album, un vrai délice de rock FM légèrement hard, avec de ci de là des relents de musique de film hollywoodienne. Du début jusqu'à la fin, tout s'écoute avec délectation. Les sonorités hard rock nous donnent un album catchy et accrocheur, la voix de John Payne est teintée d'une certaine émotion à fleur de peau et offre des couleurs totalement nouvelles, en rupture radicale avec le monarque John Wetton.

Geoff Downes nous délivre des parties de synthétiseurs beaucoup plus recherchées que par le passé (aah ces magiques effets de harpe sur "Love Under Fire"), et se fend d'une intro et d'une outro à lui tout seul (les deux pistes "Aqua", superbes). La première vraie chanson qui ouvre le bal sur cet album, "Who Will Stop The Rain ?", est à ce jour mon morceau préféré d'ASIA. Cette chanson à thème écologique est un joyau FM épique magnifiquement arrangé, et annonce en grande pompe ce qui va suivre : des chansons très rentre-dedans ("Back In Town", "Love Under Fire", ou bien la très metal "Someday") suivies de chansons plus posées mais tout aussi punchy ("Crime Of The Heart", "A Far Cry"). Des nouveautés apparaissent sur cet album par rapport aux albums précédents, tels que l'emploi de guitares acoustiques ou même de violons. Le côté épique d'ASIA n'a donc pas du tout disparu, mais il prend une autre dimension sur Aqua, une dimension moins british, plus hollywoodienne.

Du début à la fin, cet album enchante par ses ambiances très travaillées, son émotion perceptible, bref c'est l'un des meilleurs albums d'ASIA, véritablement. Malheureusement, la suite de la carrière d'ASIA sera plus anecdotique. Downes et Payne continueront d'enregistrer des albums sous le nom ASIA, mais dans une indifférence quasi-générale.

Aqua, un des chefs-d'oeuvre d'ASIA, injustement oublié et à redécouvrir d'urgence pour tout fan de bon rock FM qui se respecte !