S’il y a bien une chose que je n’aime pas lorsque je répertorie les disques d'un groupe, ce sont les "bootlegs officiels". Sérieux, c’est quoi ce concept, franchement ? Un bootleg, par essence, c’est l’enregistrement non-officiel d’un groupe réalisé à son insu, souvent en live (mais il existe aussi des bootlegs studio) et souvent de mauvaise qualité (là aussi, il existe des exceptions renommées qui confirment la règle). Ces disques pirates sortent souvent hors commerce, vendus sous le manteau pour éviter les procès et font la joie des collectionneurs ... Oui, mais depuis quelques années, afin de lutter contre le piratage de leur musique qui s’est accru avec la montée en puissance d’Internet et des nouvelles technologies numériques, les groupes de rock ont trouvé une parade : les bootlegs officiels.

Enregistrés bien souvent à même la console de mixage de l’ingénieur du son du concert, les bootlegs officiels sont des enregistrements live faits à la va vite, non mixés (et bien sûr non mastérisés) et vendus dès la sortie des concerts aux spectateurs, qui peuvent alors jouir de posséder un concert du groupe auquel ils ont assisté. Ces arguments mis à part, la raison qui me fait ne pas aimer cette mode est que ces disques sont souvent difficiles à classer aux côtés des autres albums du groupe en question. Le côté "live réalisé à la va vite pour les fans" rend ces albums un peu difficiles d’accès et leur donne un côté torché qui ne me plait pas du tout. Cette mode se répand de plus en plus : KISS le fait désormais à chaque tournée, METALLICA s’y est mis depuis longtemps et de nombreux autres groupes renommés suivent. Parmi eux, ASIA. Le groupe de Geoff Downes avait déjà l’habitude depuis deux décennies de nous sortir un paquet d’enregistrements live tous azimuts, de qualité bien plus qu’inégale. Mais là, depuis deux ans, il s’agit d’un véritable bombardement : Spirit Of The Night en 2010, un bootleg officiel du High Voltage Festival également en 2010, et désormais ce nouveau bootleg officiel, The Omega Tour Live.

Le titre nous renseigne plus qu’évidemment sur le contenu de ce live : il s’agit d’un enregistrement tiré de la dernière tournée du groupe, dans le cadre de la promotion de l’album studio Omega. Album qui, je dois le dire, m’avait plutôt emballé, renouant avec les aspects rock pêchus qui avaient fait le succès d’ASIA dans les années 1980 et effaçant les côtés pompeux et caricaturaux de l’album Phoenix de 2006. Etant donné le côté "live non mixé", ce live se présente bien évidemment sous la forme d’un double CD afin de contenir l’intégralité du concert dans ses moindres détails. Du même coup, aucune coupe dans l’enregistrement : on entend tout, même le souffle dans les micros et les spectateurs qui invectivent le groupe. Par ailleurs le live manque de profondeur, voir de résonnance. Tout ça sonne très cru et très bizarre. La voix de John Wetton, qui ici à l’inverse des albums studios ne bénéficie d’aucun overdub, masque quasiment tous les instruments à commencer par la guitare de Steve Howe, qui semble effacée dans le lointain. Même les claviers de Geoff Downes manquent parfois de présence et la batterie de Carl Palmer possède un son de pot de fromage blanc.

Le contenu de ce live est évidemment peu surprenant : uniquement des titres des cinq albums studio enregistrés avec John Wetton (Asia, Alpha, Astra, Phoenix et Omega), avec néanmoins la satisfaction d’entendre des titres issus d’Omega, qui est un album dont personnellement j’attendais beaucoup sur scène. De ce côté-là, peu de déception, un titre tel que "Holy War" présente beaucoup d’intérêt en live, idem pour un petit bijou tel que "Through My Veins" ou encore cette reprise d’ICON, "Finger On The Trigger". Le reste est sans surprise, que des classiques, même si personnellement je noterais que les reprises des BUGGLES, de KING CRIMSON et de YES que le groupe avait pris l’habitude de jouer depuis sa reformation en 2006 ont ici disparu (notamment "Video Kill The Radio Star"), même si Steve Howe ne peut s'empêcher de nous gratifier de sa version personnelle du "Concerto In D" de Vivaldi qui s'étale ici sur deux pistes. Toutefois, la performance générale du groupe est bonne et ne manque pas de pêche, d’ailleurs on sent que les musiciens s’amusent puisqu'ils s'adonnent à quelques improvisations de temps en temps (en particulier Geoff Downes et Steve Howe) et à quelques petits trucs sympas comme ces versions piano/voix de "Don’t Cry" et de "The Smile Has Left Your Eyes", très curieuses ...

Si vous êtes un fan d’ASIA comme moi, ce disque peut présenter un intérêt de collection. De plus la performance live est ici loin d’être mauvaise et présente un groupe en très grande forme. Il est d’ailleurs dommage que ce live n’ai pas été mixé, il aurait fait un excellent album live standard. Après, si vous n’êtes pas habitué au son bootleg (concerts non mixés, public peu mis en avant, longueur des pistes non équilibrée, etc ...), passez tout de suite votre chemin ...